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 « Tropicalism », le design brésilien pendant la dictature

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 26 octobre 2018 - 650 mots

PARIS

La galerie Downtown expose le mobilier métissé issu d’un large mouvement identitaire au Brésil dans les années 60.

Charlotte Perriand, bureau En Forme, 1962, Galerie Downtown
Charlotte Perriand (1903-1999), « Grand bureau », 1962, merisier et cuir, 80 x 300 x 85 cm
Photo Tony Shapiro
© Laffanour / Galerie Downtown, Paris

Spécialisée dans le mobilier d’architectes du XXe siècle, la galerie Downtown revient - avec « Tropicalism » - sur un mouvement culturel contestataire né au Brésil en 1967, lors de la dictature militaire (1964-1985). A cette époque, le pays est en quête de son identité propre à travers un mouvement global - le Tropicalisme - qui couvre aussi bien la musique, l’architecture et le mobilier et qui vise à s’ouvrir au monde, tout en tenant compte des particularités locales dans un métissage inédit. Dans le mobilier, ce courant se traduit par l’usage de matériaux locaux, tout en s’adaptant aux exigences du climat tropical et en conservant le goût typiquement brésilien pour les proportions généreuses.

La galerie a sélectionné 3 personnalités qui ont incarné ce mouvement : la française Charlotte Perriand (1903-1999) et les brésiliens Oscar Niemeyer (1907-2012) et José Zanine Caldas (1919-2001). « C’est en discutant avec mon ami qui est d’origine brésilienne, Danniel Rangel [commissaire de cette exposition], que l’idée a germé. Il m’a ouvert les yeux sur la relation entre Charlotte Perriand et Oscar Niemeyer, ce qui m’a donné envie de monter cette exposition », raconte le galeriste François Laffanour. L’exposition présente ainsi du mobilier, des dessins d’architecture et des collages - 25 en tout - pour des prix s’échelonnant entre 40 000 et 250 000 euros.

Grâce au lien qu’entretenait Danniel Rangel avec la galeriste Anna Maria Niemeyer - la fille d’Oscar - François Laffanour a pu reconstituer une partie de sa galerie dans ses espaces, avec la fameuse sculpture en forme d’œil de son père et les mêmes dessins accrochés au mur. Pionnier de l’architecture moderne brésilienne, Oscar Niemeyer prônait la courbe organique et non l’angle droit. « Ses créations reprennent souvent la forme d’un œil ou d’une main et il use allègrement des courbes féminines », précise Danniel Rangel. Sa participation à la création de Brasilia, la nouvelle capitale administrative du Brésillui confère une renommée internationale. D’ailleurs, parmi les dessins exposés figurent plusieurs projets pour la future ville comme la cathédrale, le Congrès ou encore le Musée National du Brésil mais aussi des dessins du mémorial de l’Amérique Latine à Sao Paulo ou de la Bourse du Travail à Bobigny (réalisée lors de son exil à Paris) et même une table basse en bois et verre éditée par Tendo. 

En 1962, Charlotte Perriand s’envole pour le Brésil après que son mari Jacques Martin a été nommé directeur d'Air France pour l'Amérique Latine. C'est elle qui aménage son appartement de fonction à Rio de Janeiro et crée un bureau « en forme » (1962), qui est la pièce maitresse de l’exposition. Là bas, elle retrouve l'architecte Lucio Costa avec qui elle a réalisé l’aménagement de la Maison du Brésil à Paris en 1959 et fait grâce à lui la connaissance de l'intelligentsia brésilienne : Oscar Niemeyer, Jorge Amado, Burle Marx… Sur place, elle crée des pièces qui reprennent l’aspect général de ses meubles européens mais les fait réaliser dans des bois locaux avec des tressages de jonc ou du cannage. 

L’architecte et designer José Zanine Caldas, place de son côté au centre de ses préoccupations le processus d’utilisation et récupération des bois brésiliens. La galerie présente ainsi plusieurs exemples de ses créations, tels un fauteuil taillé dans un tronc d’arbre ou encore une table basse dont le plateau est formé d’un rondin de bois. 

La galerie Downtown n’est pas la seule à s’intéresser au design brésilien. D’autres galeries travaillent dessus ces deniers temps, comme Chastel-Maréchal - dont l’exposition « Modernité du design brésilien 1950-1980 » se termine le 31 octobre - ou R & Compagny (New York) et Side Gallery (Barcelone). « Actuellement, il y a une véritable ouverture, un engouement, comme il y a pu en avoir avec le design italien, puis le design suédois auparavant », observe François Laffanour. 

TROPICALISM

Jusqu’au 10 novembre, galerie Downtown, 18 rue de Seine, 75006 Paris, www.galeriedowntown.com

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