Galerie

Trip psychédélique

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 20 décembre 2023 - 456 mots

Pour sa première exposition personnelle à la galerie Sobering, le DJ Dan Ghenacia réinvente la Dreamachine, conçue par Brion Gysin dans les années soixante.

Certaines inventions obéissent à des cycles. Il en va ainsi du vélo, qu’un témoin de l’essor des avions et des automobiles pendant les Trente Glorieuses aurait été bien en peine d’imaginer comme l’un des moyens de transport phares de ce début de XXIe siècle. Et il en va ainsi de la Dreamachine, ou « machine à rêver ». On en doit l’invention à Brion Gysin (1916-1986), artiste américano-canadien touche-à-tout, passé du surréalisme à la Beat generation. En 1960, il conçoit avec le mathématicien Ian Sommerville sa première machine à rêver. Le mécanisme de l’objet est rudimentaire : une ampoule et un cylindre ajouré en carton posés sur une platine 78 tours. Mais quand on lui fait face les yeux fermés, sa rotation crée un effet stroboscopique qui stimule les ondes alpha du cerveau, et peut induire des états de conscience modifiés. Révolutionnaire dans son principe – Brion Gysin soulignait que la Dreamachineétait « le premier objet d’art dans l’histoire du monde devant lequel on ferme les yeux plutôt que de les ouvrir », l’invention l’était aussi par son ambition : l’artiste la voulait à la portée de tous. Faute d’avoir pu la produire en série, il en a diffusé le mode d’emploi pour que chacun puisse la fabriquer. Pourtant, la Dreamachine est restée un artefact confidentiel, emblématique des liens étroits qui unissent la cybernétique au psychédélisme. Mais voilà qu’elle jouit d’un regain d’intérêt. Récemment, elle était réactivée au Cube Garges dans l’exposition « Cerveau machine », et au Petit Palais dans « Les Nuits corticales » de Loris Gréaud.

BONNES ONDES ALPHA

Jusqu’au 13 janvier, on peut aussi l’expérimenter à la galerie Sobering, qui accueille la première exposition personnelle de Dan Ghenacia. Ce DJ à la carrière internationale a d’abord fabriqué une machine de ce type pendant le confinement, histoire de continuer à « triper » alors qu’il était rivé au sol. Il en a ensuite développé plusieurs versions sonores au sein d’Alpha Wave Experience, un collectif constitué de musiciens, de designers, d’artistes, d’ingénieurs et d’un neurologue. Celles qu’il présente dans l’exposition « Have a Good Trip » – l’une rotative, l’autre réfléchissante et contrôlable via une application – associent aux pulsations de la lumière des compositions musicales diffusées en son dit « binaural », qui diffuse des fréquences différentes dans chaque oreille et accroît l’effet relaxant. De l’expérience, on ressort tout chose, comme après une séance de méditation. C’est d’ailleurs l’ambition de ces objets design que de réduire le stress et d’augmenter les performances cérébrales. Adaptée au goût du jour, la Dreamachine se teinte ainsi de développement personnel. Et suggère au passage que l’essor des IA et des algorithmes pourrait ouvrir un nouvel âge psychédélique.

À VOIR
Dan Ghenacia, « Have a Good Trip »,
Galerie Sobering, 87, rue de Turenne, Paris-3e, jusqu’au 13 janvier. soberinggalerie.com.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°771 du 1 janvier 2024, avec le titre suivant : Trip psychédélique

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