Entretien

Thierry Bodin, expert en autographes et marchand à Paris

« Une grande réserve de documents à vendre »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 27 juillet 2007 - 640 mots

 Où commence et où s’arrête votre spécialité ?
Le domaine des autographes, assimilé à celui de la librairie, est une spécialité à part entière qui demande beaucoup d’attention et du temps pour effectuer de grosses recherches. Je n’ai pas de limite de périodes et mon activité me conduit à examiner lettres et documents historiques, littéraires, artistiques ou scientifiques de toutes les époques. J’ai cependant décidé de ne pas m’occuper de manuscrits enluminés, une branche très spécifique. Dans l’époque contemporaine, je laisse de côté les photos dédicacées et autographes divers de célébrités passagères.

Qui sont les collectionneurs d’autographes ?
Il existe autant de collectionneurs que de collections d’autographes. Nombreux sont les ensembles thématiques autour de personnages historiques, de documents sur une région, sur une époque, les séries sur les poètes, les mathématiciens ou les rois de France… Pour Anne-Marie Springer, le fil conducteur a été les correspondances amoureuses et intimes qui ont donné naissance à un superbe livre, Lettres intimes, Une collection dévoilée, publié fin 2006 aux éditions Textuel.

Le marché des autographes est-il très international malgré le frein de la langue française ?
Concernant les écrits en français, l’intérêt dépasse encore les frontières de l’Hexagone. Je pense, par exemple, aux grands écrivains du XIXe siècle qui ont toujours une aura à l’étranger. Napoléon et son temps est un thème de collection presque plus prisé hors de France. Si Napoléon a peu écrit de sa propre main (il dictait), il a en revanche signé beaucoup de documents. C’est un personnage qui fascine et le champ de collection est vaste : sa famille, ses maréchaux, ses généraux, ses ministres, etc. Par ailleurs, la vente des archives Claude Monet chez Artcurial le 13 décembre a attiré un grand nombre d’amateurs de tous pays.

Dans cette vente, il y a eu 115 préemptions. Est-ce exceptionnel ?
Oui, cependant lors de la dispersion des archives d’Abel Gance le 3 mars 1993 à Drouot, l’État avait quasiment tout préempté. Le fonds Monet était très intéressant, aux trois quarts inédit. Les préemptions étaient prévisibles.

Comment le marché réagit-il face aux préemptions en chaîne ?
Les acheteurs sont parfois découragés par l’interventionnisme des bibliothèques. Certains collectionneurs réagissent en essayant de faire monter les enchères, les budgets de l’État n’étant pas illimités. Dans la vente Monet, certaines lettres de Berthe Morisot ont flambé à plus de 7 000 euros et, à ce prix, n’ont pas toutes été préemptées.

Nonobstant les préemptions, le marché des autographes est-il dynamique ?
Il se porte très bien car il a la chance d’avoir, pour le domaine français, une grande réserve de documents à vendre et un bon nombre de collectionneurs pour les acheter. Je gère en ce moment en moyenne trois ventes aux enchères par mois ! Consécutivement aux préemptions et donations, il y a des choses qui se raréfient énormément et qui atteignent des prix très importants. Par exemple, il doit rester de Rimbaud moins de dix poèmes et une trentaine de lettres au maximum en circulation.

Quelles sont les prochaines ventes intéressantes que vous préparez ?
Le 15 février à Drouot, je présente avec la SVV Alde une vente réunissant des ensembles autour de Paul Éluard et Pierre Louÿs, sur l’Empire, dont des dossiers intéressants sur les campagnes napoléoniennes, et huit lettres d’amour du tsar Alexandre II à sa maîtresse Katia. Le 21 mars, la collection Lachenal vendue par la SVV Ader offrira plusieurs documents sur Philippe Soupault et le surréalisme. Le 27 mars chez Piasa, ce sera l’occasion de découvrir l’une des plus belles collections d’autographes sur le thème des souverains de France, de Saint Louis à Napoléon III. Elle comprend notamment un rapport de vingt huit pages de Jules Hardouin-Mansart sur les travaux de Marly, annoté par Louis XIV. Signalons encore le 30 mars, avec la SVV Brissonneau, la fin des archives du général Bertrand qui fut l’un des compagnons de Napoléon à Sainte-Hélène.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°252 du 2 février 2007, avec le titre suivant : Thierry Bodin, expert en autographes et marchand à Paris

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