Tableaux grillés

Les prix de la peinture ancienne revus à la baisse

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 29 août 2003 - 725 mots

Pour la peinture ancienne, le marché est devenu impitoyable sur la provenance, le prix et la qualité des pièces proposées, comme le prouve le bilan des ventes de la fin du premier semestre à Paris. Les estimations trop hautes font fuir les acheteurs. Et, selon l’expression consacrée dans le milieu, un tableau ravalé est un tableau grillé.

PARIS - “Dans un contexte difficile, marqué par la raréfaction des pièces de qualité, et un choix de plus en plus sélectif de la part de nos acheteurs, nous sommes satisfaits d’avoir adjugé à plus de trois fois son estimation haute le tableau de Jan Brueghel le Jeune, parti à 602 250 euros”, déclarait le département des tableaux anciens de la maison Christie’s à Paris au lendemain de la vacation du 26 juin. “Ce Brueghel a fait le même prix à Paris que s’il avait été mis en vente sur le marché de Londres”, a ajouté Elvire de Maintenant, l’une des spécialistes des tableaux anciens, après la vente la plus ratée de l’année pour l’auctioneer parisien, avec seulement 32 % de lots vendus. Des prix de réserve excessivement élevés sur la demande des vendeurs, et ce, contre toute logique dans la conjoncture actuelle, ont été responsables de ce désastre. Une paire de tableaux par François Boucher, a priori difficile à vendre du fait du traitement esquissé de l’œuvre au sujet un peu grivois, et donc estimée prudemment 350 000 à 500 000 euros, a cependant atteint 393 250 euros. Mais le caprice architectural animé figurant sur la couverture du catalogue, réalisé par Panini et estimé 150 000 euros, n’a pas trouvé preneur. Le public semble avoir trouver un peu chère cette toile non signée. Christie’s entend à l’avenir “donner des prix attractifs”, affirmant “avoir tiré la leçon des erreurs commises”.
À Drouot, le marché a sanctionné ces mêmes “erreurs”, à commencer par l’objet phare de la saison, également ravalé : Le Paiement de la dîme, une belle peinture de Brueghel le Jeune estimée 500 000 à 700 000 euros, proposée le 27 juin à Drouot par la SVV Millon & associés. “Je n’en aurais pas mis plus de 200 000 euros”, commente un amateur.
Le même jour à l’hôtel des ventes parisien, Piasa a tiré son épingle du jeu en vendant 50 % de ses lots. Les natures mortes y étaient à l’honneur. Les enchères de 135 000 euros et 138 000 euros ont récompensé une nature morte aux cerises peinte par François Garnier et une composition aux globes terrestres et célestes, instruments de musique et pièces d’orfèvrerie signée Evert Collier. Sortis de ce registre, La Nymphe de Fontainebleau, un panneau parqueté de l’école de Fontainebleau, et L’Amour et le Badinage, un tableau de Pater, estimés 40 000 et 125 000 euros, ont atteint respectivement 163 000 et 146 000 euros, mais aucun doigt ne s’est levé pour le Ecce Homo de Carlo Dolci, estimé 60 000 euros car jugé trop abîmé.
Pour sa part, avec un petit catalogue, Tajan a cédé 50 œuvres sur 87 mises en vente le 25 juin (57,5 %) dans une fourchette de prix compris entre 3 000 et 36 000 euros. Une seule des deux pièces phares a eu la faveur des collectionneurs. Les Cinq Sens, une composition du XVIIe siècle sur panneau par Jan van Kessel et Adrian van Stalbempt, a été adjugée 520 564 euros, dans son estimation, tandis qu’une nature morte aux fleurs et fruits par Cornélis van Spaendonck, proposée à 300 000 euros, a été boudée. Enfin, la vacation de Sotheby’s du 25 juin a enregistré 56 % de lots vendus. Le tableau phare de la vente, La Danse d’enfants au joueur de pochette, peint par le “Maître des jeux” au milieu du XVIIe siècle, a été adjugé dans son estimation pour 315 875 euros, un record mondial pour cet artiste inconnu et proche des frères Le Nain. La deuxième meilleure enchère, qui est aussi un record mondial, revient à une grande peinture mythologique de 152 x 172 cm par Louis de Boullogne, signée et datée 1723, et adjugée 156 375 euros, le double de son estimation. Elle aura volé la vedette à une nature morte (invendue), la Corbeille de pêches, raisins et prunes sur un entablement par Paul Dorival – un artiste mal connu originaire de Grenoble, et dont les experts attendaient au minimum 120 000 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Tableaux grillés

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