Spink, c’est fini !

Christie’s ferme la vénérable galerie

Le Journal des Arts

Le 31 mars 2000 - 564 mots

Christie’s vient de fermer Spink, la plus ancienne galerie d’art au monde puisqu’elle a été fondée en 1666. Ses principaux départements – Chine, Japon et Corée, Sud-Est asiatique, Tibet et Himalaya – ont cessé leur activité le 29 février ; sept experts ont été licenciés et le stock sera vendu progressivement. L’auctioneer dispose désormais d’un pâté de maisons de 100 000 m2 sur King Street.

LONDRES (de notre correspondante) - “C’est un peu comme si l’on fermait Fortnum & Mason, a déclaré John Eskenazi, le grand antiquaire spécialisée dans l’art du Sud-Est asiatique. C’est une perte dramatique pour le marché de l’art londonien. Spink était un lieu merveilleux pour les gens qui souhaitaient commencer à rassembler une collection. C’était accessible, on pouvait entrer directement depuis la rue et y trouver de véritables petits bijoux. Ensuite, on s’orientait vers des marchands plus spécialisés. Cette disparition aura des conséquences considérables”.

Pourtant, cette fermeture n’étonne personne sur le marché londonien. Avec ses vastes locaux et ses frais généraux élevés, Spink avait souffert de la crise du début des années quatre-vingt-dix. En 1993, elle avait été rachetée 10 millions de livres sterling par sa voisine Christie’s. L’auctioneer, qui a repris le bail de l’immeuble adjacent au sien, dispose ainsi un immense pâté de maisons sur King Street. François Pinault a racheté Christie’s pour 720 millions de livres l’an dernier, et il est évident qu’il s’emploie actuellement à dresser le bilan de la société. Selon un ancien employé de Spink, “ils ont étudié les chiffres des dix dernières années et ont estimé que les bénéfices ne justifiaient pas un investissement en capital”.

Tim Hirshl, directeur général de Spink, explique : “Dès que nous avons acheté Spink, nous avons décidé d’en faire une entreprise exclusivement commerciale. Ces départements [d’art asiatique] ne correspondaient pas aux critères de notre politique commerciale ni à nos objectifs de rentabilité. Nous avons investi des sommes importantes dans les départements qui, selon nous, seront déterminants pour l’avenir de notre société ; ainsi, ceux de Spink-Leger (tableaux, monnaies et médailles) seront transférés dans de tout nouveaux bâtiments construits à cet effet dans Southampton Row.”

L’auctioneer vient de renouveler pour 100 ans le bail de l’immeuble Spink, et d’importants travaux de réaménagement doivent y être entrepris ; tout porte à croire qu’il sera intégré dans le nouveau siège social de Christie’s Londres. Un porte-parole de la maison de vente a confirmé que du fait de l’agrandissement de la “Great Room” et des espaces d’accueil dans les locaux de King Street, Christie’s irait certainement s’installer dans l’ancien immeuble Spink.

Spink-Leger, le département des Peintures, poursuivra son activité dans ses locaux de Bond Street. Unique département d’art asiatique ayant été conservé, celui des Arts de l’Islam, plutôt lucratif,  travaillera dans de nouveaux locaux à St James, tandis que les monnaies, médailles et timbres seront transférés dans ceux de Southampton Row.

D’une certaine manière, la disparition de Spink est symptomatique des changements qui s’opèrent sur le marché de l’art d’Extrême-Orient. Les grandes entreprises traditionnelles aux frais généraux élevés – deux autres antiquaires, Bluetts et Sparks, ont déposé leur bilan depuis la récession – cèdent la place à de petites sociétés flexibles, capables de prévoir à long terme et d’investir dans des stocks réduits mais haut de gamme. Le marché s’est également déplacé de Londres vers New York, Hong Kong et Taiwan, et les marchands londoniens doivent lutter pour préserver leur part.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Spink, c’est fini !

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