Singapour - Foire & Salon

Asie du Sud-Est

Singapore Art Fair, des débuts encourageants

Par Marion Zipfel (Correspondante à Singapour) · Le Journal des Arts

Le 10 décembre 2014 - 1044 mots

Malgré des ventes contrastées, la foire d’art contemporain singapourienne a trouvé ses marques dès la première édition.

SINGAPOUR - Le soir du vernissage de la Singapore Art Fair, qui s’est tenue du 27 au 30 novembre, était projeté sur le plus grand écran du monde le film So Far So Close du photographe libanais Roger Moukarzel. Réalisé à partir de plus de 70 000 photographies, le film retrace le périple d’un voyageur cheminant du Moyen-Orient à la Chine, faisant revivre une Route de la soie fantasmée. Le ton est donné et l’objectif de la foire aussi : recréer le dialogue entre les différentes régions du monde formant le Menasa, pour M.E. N.A. S.A. : Moyen-Orient, Afrique du Nord et Sud-Est asiatique. Un pari osé tant la méconnaissance mutuelle était perceptible dans les allées de la foire. Pour de nombreuses galeries, le dépaysement est total. « Nous sommes venus pour découvrir un monde que nous ne connaissons pas et nous constatons que, côté asiatique, certaines personnes ne savent pas où est le Maroc », explique Sophia Tebbaa de la galerie Noir sur Blanc venue de Marrakech. Et les anecdotes ne manquent pas. « Un collectionneur singapourien s’est approché cinq ou six fois de ma galerie sans jamais oser rentrer. Il m’a dit “j’aime cette œuvre mais je ne connais pas assez l’artiste et sa région” », relate Nauf Albendar, directrice de Lahd Gallery (Ryahd, Londres).

Pour les acheteurs asiatiques, cette foire représente une des rares occasions de découvrir l’art du Moyen-Orient, habituellement peu exposé en Asie. « La plupart de mes amis ignorent tout de l’art de cette région, raconte le collectionneur indonésien Wiyu Wahono. J’ai commencé à diversifier ma collection, j’ai notamment acheté des œuvres de l’artiste iranienne Shirin Neshat pensant qu’elle était la meilleure de la région. Mais en discutant avec Catherine David [directrice adjointe au Musée national d’art moderne, Paris], j’ai réalisé qu’il y avait de nombreux artistes bien meilleurs. Je dois donc apprendre davantage sur cette région pour être capable de détecter les talents. »

« Un marché à conquérir »
En apportant à Singapour de nouvelles galeries et de nouveaux artistes, la foire a suscité beaucoup de curiosité. Une curiosité qui ne s’est pas toujours traduite par des ventes, et certaines galeries sont rentrées bredouille. Quelques-uns le prennent avec le sourire comme la galerie Noir sur Blanc. « Nous n’avons pas vendu, mais nous sommes convaincues que c’est un marché à conquérir. Il faut simplement être patient, relève Sofia Tebbaa. Si nous revenons l’année prochaine, nous essaierons de sélectionner des artistes dont le travail est plus proche de la culture asiatique, je pense notamment au travail sur papier ou à la calligraphie. » D’autres ne cachent pas leur déception. « Je pensais rencontrer de nouveaux clients, malheureusement il n’y a pas eu assez d’échanges », déplore Elsie Braidi de la galerie Les Plumes de Beyrouth.

Pour les galeries installées à Singapour, ce premier rendez-vous est encourageant. Ainsi pour Sana, la première galerie d’art contemporain moyen-oriental en Asie, dont la directrice de la galerie, Ophélie Guillerot, déclare avoir vendu « cinq pièces sur les treize exposées, à un client indien, à un autre du Moyen-Orient et à un Américain ». « Nous avons également noué un partenariat avec la galerie Mizuma qui exposera notre artiste égyptien Mohamed Abouelnaga dès janvier 2015 à Singapour », poursuit-elle. Quant à cet habitué des grandes foires internationales qu’est Ryo Wakabayashi, le directeur de la galerie Mizuma installée à Singapour depuis 2012, cette première édition est selon lui un succès. Il a vendu neuf pièces pour un total de 100 000 dollars et une pièce à 1 million est en négociation. Au-delà des ventes, le galeriste japonais se félicite des liens noués avec d’autres galeries durant la foire. « Un de nos artistes indonésiens, Albert Yonathan, sera présenté à la galerie XVA de Dubaï l’année prochaine pour préparer un solo show en 2016. Nous inviterons également des artistes de la galerie égyptienne Ward-Nasse. »

Trouver sa place sur le marché des foires
Pour trouver leur place sur le marché des foires à Singapour encore en pleine évolution, les organisateurs de Singapore Art Fair misent sur deux atouts : la taille et la spécialisation. Avec seulement 59 galeries présentes, visiteurs, collectionneurs et galeristes ont apprécié le concept d’événement à « taille humaine ». Une foire intimiste qui, avec son parti pris sur le Moyen-Orient, a affiché dès la première édition son identité. « C’est en étant une foire de niche que nous aurons de l’avenir sur le marché », affirme Laure d’Hauteville. « Singapore Art Fair va permettre de développer un marché à fort potentiel car les prix des artistes sont encore abordables par rapport aux artistes chinois, par exemple », ajoute Riho Wakabayashi. Tout en soulignant que cela prendra du temps. « Lorsque nous avons développé l’art japonais à Singapour, il nous a fallu deux ans pour apprivoiser notre public », confie le galeriste.

Horizon 2015
Selon Guillaume Levy-Lambert, à la tête de la collection Magma spécialisée en art contemporain chinois et du Sud-Est asiatique, et qui présentait sa galerie Art Porters pour la première fois : « Entre Affordable Art Fair Singapore, dont le positionnement est clair, et Art Stage, qui essaie de tenir le niveau haut de gamme, il y a de la place. »

Un total d’environ 10 500 visiteurs, un taux de 70 % de galeries ayant enregistré des ventes : des chiffres encourageants pour une première édition qui permettent aux Français et à leur partenaire singapourien le groupe Pico, spécialisé dans l’organisation d’événements, de regarder vers 2015. « Nous réfléchissons déjà aux améliorations à apporter, notamment pour une meilleure disposition des stands, souligne Laure d’Hauteville. Nous devons également poursuivre nos efforts pour rendre la région MeNa plus accessible au public singapourien. » Prenant acte enfin des difficultés de communication liées aux différences culturelles entre Paris et Singapour, l’équipe française compte venir plus régulièrement à Singapour pour l’organisation de la prochaine édition. « Il y a eu parfois de fortes incompréhensions sur la forme alors que, sur le fond, nous sommes totalement en phase, poursuit-elle. Nous avons beaucoup appris. »

En 2015, Singapour et la France fêteront le jubilé de leurs relations diplomatiques. Rendez-vous est pris du 15 au 19 novembre prochain.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°425 du 12 décembre 2014, avec le titre suivant : Singapore Art Fair, des débuts encourageants

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