Chine - Galerie - Spécial Covid-19

À Shanghaï, les galeries d’art entre déprime et résilience

SHANGHAÏ / CHINE

Enfermés chez eux depuis plus de deux mois, les galeristes prennent patience, espérant que les œuvres ne subissent pas de détériorations.

Ces dix dernières années, Shanghaï avait réussi à bâtir une image de place forte dans l’agenda mondialisé de l’art contemporain. Après plus de deux mois d’un confinement extrême, paroxystique, pour cause de déferlante Omicron, les galeries d’art et les musées de Shanghaï semblent, pour la plupart, dans un état atone, de quasi-glaciation. Les festivals et les foires d’art estivaux sont annulés, jusqu’à nouvel ordre. Et l’automne 2022 s’annonce bien incertain.

« Toutes les expositions sont au point mort. Les programmations ont été repoussées jusqu’à des dates indéterminées. Les galeries d’art se sont éloignées exceptionnellement de leurs murs pour gérer leurs affaires. Et le fait est que, pour l’heure, nous n’avons pas de visibilité sur le calendrier et rien ne devrait être relancé d’ici juillet », constate Jérémie Thircuir, commissaire d’exposition indépendant et directeur artistique du Festival des jardins de Suzhou (à l’ouest de Shanghaï).

Le lockdown anti-Covid aura porté un coup rude aux galeries d’art. « Le confinement a perturbé notre programme 2022, témoigne Yuxin Zheng, directrice du département Chine et Asie de la galerie Dumonteil, établie dans l’ancienne concession française de Shanghaï. La galerie a été obligée de reporter la date d’inauguration de la première exposition personnelle de Jean-Marie Fiori en Chine, que l’on préparait depuis plus de trois ans. On ne peut même pas fixer de nouvelle date. Car, si les œuvres sont bien arrivées, le bureau de la Culture à Shanghaï est fermé depuis mi-mars. Or, sans licence délivrée pour l’exposition, les œuvres ne peuvent pas sortir de la zone franche du port. »

« Depuis le 26 mars, date du baisser de rideau, on travaille en ligne et on gère surtout des difficultés, renchérit Xixing Cheng, fondatrice et directrice de la galerie Don. Le chaos social engendré par la crise s’est transformé en défi logistique. On est obligé de participer à Art Basel Hongkong, cette semaine, en mode virtuel, avec un espace satellite, alors que je n’ai pas rencontré mes clients hongkongais depuis 2019 ! »

Les marchands n’ont pas remis les pieds dans leur galerie ni dans leurs entrepôts où sont stockées leurs œuvres depuis plus de deux mois. Les dispositifs régulant l’humidité et la température ont-ils tenu ? Et quid des œuvres, parfois sur papier et de grande valeur ? Des artistes, eux, disent avoir été « très effrayés »à l’idée qu’en cas de positivité au virus chez un voisin, des escadrons biomédicaux forcent leur porte et aspergent leurs œuvres – peintures, lithographies ou photographies – de produit désinfectant !

« Il faut bien garder espoir et persévérer, souligne Anne-Cécile Noique, fondatrice et directrice de la galerie ArtCN à Shanghaï. On est certes bouleversé, comme nombre d’artistes, qui ont souffert, mais en Chine, on a aussi appris à bouger avec le flot. Alors on tient bon. On a fait l’effort d’exister en ligne et de s’évader des contingences matérielles pour garder envers et contre tout le lien avec notre public. On ne retrouvera peut-être pas le Shanghaï que l’on a connu. Ce sera autre chose, et Shanghaï, c’est sûr, rebondira ! »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : À Shanghaï, les galeries d’art entre déprime et résilience

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