Rubens, Véronèse et Flegel en vedettes à Londres

L’expert René Millet introduit les ventes de tableaux anciens qui se tiendront les 11 et 12 juillet

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 29 juin 2001 - 1061 mots

René Millet, expert à Paris, nous présente les ventes de tableaux anciens qui se dérouleront chez Sotheby’s et Christie’s, à Londres, les 11 et 12 juillet. En vedette, chez Sotheby’s, une saisissante étude de Pan et Syrinx due à Rubens et Bruegel le Jeune, et chez Christie’s, des œuvres de Véronèse, Georg Flegel et Jan Weenix...

Les sessions de ventes de tableaux anciens organisées à Londres à la mi-juillet sont-elles d’une qualité équivalente à celle du mois de janvier ?
Elles sont vraiment de qualité équivalente. Il est intéressant de souligner que les auctioneers sont en train d’essayer de spécialiser chacune des deux places. Londres hérite des écoles nordiques avec un nombre très important de tableaux. On recense dans la seul “part one” [ndlr : première partie de la vente] de Sotheby’s 57 tableaux des écoles nordiques sur 75 numéros. Il y a, en revanche, très peu de tableaux italiens et encore moins de tableaux français. Il n’y en a pas un seul dans la “part one” de Sotheby’s. New York serait, pour sa part, plutôt tournée vers les écoles françaises et italiennes...

Que pensez vous de la “part one” de Sotheby’s qui se tiendra le 12 juillet 2001 ?
Celle-ci comprend un tableau majeur, un travail de Rubens et de Bruegel le Jeune intitulé Pan et Syrinx (lot n° 29). Ce panneau est une vraie merveille. Il est d’une richesse, d’une tonicité, d’un dynamisme propres aux artistes. Sur la reproduction du catalogue, le détail représentant Pan est remarquable. Il ne serait pas étonnant que le tableau dépasse son estimation fixée de 800 000 à 1,2 million de livres. On notera aussi les portraits de Jordaens (lot n° 35 et 36) aux estimations peut-être excessives (700 000-1 million de livres pour l’un, 150-200 000 livres pour l’autre). La nature morte de Michel Bouillon datant de 1654 (lot n° 37) est également superbe. Les ventes publiques françaises ont rarement la chance de présenter des toiles de ce type. Un seul des tableaux italiens est réellement intéressant, celui de Carlo Dolci, Sainte Apollonia (lot n° 65, voir notre photographie). Il possède tout ce que l’on cherche dans un beau Dolci : un côté très émaillé, une sensualité tout à fait florentine. Il est, en outre, dans un état qui semble plus qu’honorable. Son estimation (150-200 000 livres) témoigne du fait qu’il existe enfin un marché pour ce type d’œuvres qui étaient jusqu’à présent très à la traîne. La nature morte de Willem Claesz Heda (lot n° 45) est également tout à fait digne d’intérêt. Son estimation me semble, en revanche, très élevée (350-450 000 livres), surtout si l’on tient compte de son état, et même si je ne l’ai vu qu’en photographie. La partie flamande de la vente est tout aussi extraordinaire. J’ai néanmoins l’impression que ces grandes maisons ont de plus en plus de mal à trouver des lots et sont donc amenées à tirer un peu sur les prix. Il existe plus de vraies surprises sur le marché français.

Qu’en est-il de la” part one” de Christie’s ?
Le catalogue de Christie’s est somptueux mais sans réelle homogénéité. Le tableau de Laurent de La Hyre semble inédit... Celui de Lorrain, dans un goût anglais, est à noter également. Il y a aussi un David qui semble ne pas être dans un bon état, quelques natures mortes et un très beau Véronèse (lot n° 91) doté d’un mouvement merveilleux, d’un sens du raccourci propre à l’artiste : une œuvre élégante, noble, extrêmement subtile. Le Fra Galgario (lot n° 95) retient aussi mon attention ; il se rapproche des frères Le Nain. Le tableau de Georg Flegel (lot n° 50) a l’air tout aussi fantastique. On relèvera la plasticité des éléments, l’harmonie générale du tableau qui possède une véritable force, une tonicité remarquable. Le Jan Weenix (lot n° 37) est un autre lot vraiment intéressant, qui sort de l’ordinaire... La qualité des toiles hollandaises semble, cette fois-ci, plus forte chez Christie’s que chez Sotheby’s, comme en témoigne le Pieter Lastman (lot n° 21). Il s’agit de peintres qu’on ne connaissait pas il y a vingt ans et Christie’s, plus tôt que d’autres, a fait l’effort de les valoriser... Le Jan Bruegel (lot n° 8) est le plus beau des tableaux flamands. Ce panneau est un peu sale mais somptueux de qualité : un sujet religieux avec une profonde beauté de la nature. La qualité des détails donne envie d’acheter cette œuvre. L’estimation (250-350 000 livres) pour cette merveille est raisonnable.

Que pensez-vous des “part two” des deux auctioneers ?
C’est toujours dans ces parties qu’il y a des découvertes à faire. On reconnaît quelques-uns de nos “enfants”, des tableaux qui sont passés dans des ventes publiques françaises et que l’on retrouve toujours avec plaisir. La “part two” de Sotheby’s comprend nombre d’œuvres intéressantes comme le Portrait d’un gentleman d’une école hollandaise (lot 120, 25 000-35 000 livres). C’est un petit chef-d’œuvre. J’aime beaucoup l’oreille du personnage ; cette mise en condition de l’oreille bloquée entre les cheveux et sa collerette blanche. J’adore, en outre, les tableaux de forme ronde comme celui-ci... À noter aussi quelques autres toiles que l’on regarde avec plaisir comme celles de Jean-Baptiste Vinchon (lots nos 224 et 225) qui étaient présentes dans une vente organisée à Tours il y a deux ans. Découvertes dans une petite maison abandonnée de la ville, elles avaient à l’époque réalisé de gros prix. Le François Le Moyne (lot n° 204) est un pur chef-d’œuvre, une esquisse en parfait état, avec une élégance nerveuse typique du Rococo. Il est passé dans une vente il y a trois mois, à Paris, chez maître Étienne Mercier. On ne s’intéresse jamais assez aux “part two”. Elles renferment souvent des perles rares dont les prix sont moins élevés. C’est là que se trouvent les bons tableaux italiens. Par exemple, les lots nos 340 et 341, une œuvre de Paolo Véronèse et une autre d’une école vénitienne du XVIIIe siècle. Ils sont sales car les experts n’ont pas eu le temps de s’y intéresser de près. Mais de telles œuvres peuvent se révéler être des chefs-d’œuvre. La “part one” intéresse surtout les grands marchands qui imposent leur “diktat”, la “part two” est plus fluide, même s’il n’y a pas des tableaux de la qualité du Rubens. La “part two” de Christie’s est, elle, nettement moins intéressante. Elle dénote un réel manque d’efforts.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Rubens, Véronèse et Flegel en vedettes à Londres

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