Rituels Bambara

Trente-six objets exposés par Hélène et Philippe Leloup

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 30 juin 2000 - 599 mots

Deux ans après leur exposition consacrée à l’art Kongo, Hélène et Philippe Leloup présentent dans leur galerie du quai Malaquais une trentaine de pièces Bambara. C’est une première à Paris où aucune exposition monographique n’avait été consacrée à cette population installée au Mali, sur les rives du Niger.

PARIS - Alors que New York s’était à deux reprises penchée sur cette civilisation en lui consacrant deux expositions, en 1960 au Museum of Primitive Art (actuel MET), puis en 1986 au National Museum of Washington (“Bamana figurative sculpture”), Paris ne s’était jamais intéressé de près aux masques, sculptures et statuettes sereines et épurées de l’art Bambara. Cet oubli est aujourd’hui réparé grâce aux efforts des époux Leloup qui ont réuni 36 objets de culte Bambara vendus entre 35 000 francs et plus de 600 000 francs. Ce peuple de cultivateurs, occupant une partie importante du territoire malien, était partagé entre plusieurs petits territoires qui avaient chacun leurs rituels. “Proches et dépendants de la nature, ils cherchent à contrôler les forces mystérieuses de la brousse par un système complexe d’appartenance à des confréries ou sociétés secrètes, explique Hélène Leloup. Même aujourd’hui où la plupart d’entre eux sont islamisés, la maladie ou la sécheresse sont encore imputées à des agressions de puissances insatisfaites qui sanctionnent la violation d’un interdit.” L’art Bambara vise donc à neutraliser ces forces grâce à des rites propres à chaque organisation religieuse ou société d’initiation. La société Jo, jouant le rôle de médiateur entre les hommes et Dieu, est l’une des plus importantes. C’est au plus vieil initié que revient la charge de diriger le groupe chargé de surveiller le déroulement des rites religieux et d’organiser les cérémonies où  entrent en scène des objets rituels comme une grande lance en fer (162 cm) décorée d’une figure de femme. Cette pièce provenant de la région de Doïla était utilisée pendant la cérémonie d’initiation à la société Jo. Elle servait à tuer symboliquement l’impétrant en lui envoyant un coup à l’aisselle. Les statuettes Jo-Nyeli, telle cette pièce à l’imposante poitrine, à patine brun clair d’influence Bozo, représentation idéalisée de la beauté féminine (230 000 francs), étaient utilisées pendant les processions pour protéger le village des mauvais esprits. Les statues Jo-Mooni, inconnues jusqu’à la fin des années cinquante, figurent parmi les plus belles sculptures Bambara. Ainsi de cette grande sculpture du XVe siècle, jouant sur les vides et les volumes, représentant une femme debout (130 cm) les bras levés soulevant une urne. Cette pièce exceptionnelle fut exposée en 1986 au National Museum of Washington.

Rituels N’Tomo et Koré
On remarquera aussi plusieurs masques des sociétés N’Tomo et Koré. Le jeune Bambara apprenait durant les réunions de la société N’Tomo les rites tels que la circoncision ou l’excision, les danses et la signification des objets rituels comme le masque prolongé de six cornes – nombre masculin – symbolisant les six sens de l’homme permettant de connaître le monde (160 000 francs). Cette pièce, aux oreilles prolongées par des appendices, recouverte d’une coiffure de coton tressé, rappelle les masques “Kpelié” des Sénoufo. À noter aussi un masque à trois cornes en bois dur à patine claire symbolisant l’esprit et la masculinité (35 000 francs) et un étonnant masque de la société Koré. Cette pièce aux yeux perçants figurés par des cônes protubérants, étonnant mélange des caractéristiques de plusieurs animaux (antilope, phacochère), provient de la collection Pierre Guerre qui l’avait acquise en 1927 (520 000 francs).

- BAMBARA, jusqu’au 22 juillet, galerie Hélène et Philippe Leloup, 9 quai Malaquais, 75006 Paris, tél. 01 42 60 75 91. Tlj sauf dimanche et lundi, 11h-12h30 et 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Rituels Bambara

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