Sotheby’s

Redémania

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 1 avril 2005 - 638 mots

Gants blancs pour la vente baron Redé.

 PARIS - Décollage et atterrissage réussis pour la collection du baron de Redé avec 100 % de lots vendus et 100 % des estimations atteintes (soit 7,1 millions d’euros), les 16 et 17 mars, à la galerie Charpentier. Afin de saluer cette performance, selon une coutume britannique, les deux commissaires-priseurs qui se sont relayés au marteau ont revêtu des gants blancs à l’issue de la vente, et ce pour la quatrième fois dans l’histoire de Sotheby’s France. 7 000 visiteurs étaient venus voir l’exposition, un record de fréquentation depuis la vente du château de Groussay, en 1999. Une heure avant le début de la vacation, une foule exceptionnelle s’entassait sur les trottoirs de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, et 1 200 personnes se sont enregistrées pour enchérir sur quelque 908 lots. Les premiers coups de marteau ont été donnés par Philipp de Württemberg pour la première fois en France, dans un français entrecoupé de formules anglo-saxonnes sur fond d’accent allemand. Habitué à diriger des vacations outre-Rhin, le président de Sotheby’s France, moins raide qu’on aurait pu l’imaginer, a rapidement réussi à mettre son public à l’aise.
Les gros lots, meubles et objets d’art, étaient présentés le premier jour. Tous les grands antiquaires parisiens étaient là, mais la plupart d’entre eux sont repartis les mains vides, car les enchères ont été très soutenues dès le lot 6 : une paire de grandes girandoles très décoratives en forme de pyramide de 3 mètres de hauteur, en bois doré, plomb et verre taillé, incorporant des éléments du XVIIIe siècle, adjugée 84 000 euros à un collectionneur privé. Clou de la vente, l’immense lustre à cage en bronze verni et doré cristal de roche et verre taillé, d’époque Louis XV, estimé 1 à 2 millions d’euros, a été emporté par un particulier pour 1,3 million d’euros, l’un des plus beaux prix pour un lustre d’époque. Le public  s’est emballé sur de nombreux lots. Ainsi, une paire de chenets en bronze argenté, dans le goût de la fin du XVIIe siècle, estimée 3 000 à 5 000 euros, est montée à 162 000 euros ; une suite de quatre colonnes en marbre fleur de pêcher brèche violette du XVIIIe siècle, attendue autour de 50 000 euros, est partie à 156 000 euros ;  et une petite table à écrire en marqueterie d’époque Louis XV, estampillée L. Boudin et JME, s’est vendue au double de son estimation haute,  à 114 000 euros. La vente a frôlé l’hystérie quand des particuliers ont jeté leur dévolu sur quatre tabatières en pierre dure en forme d’animaux montée en or,  cédées jusqu’à 54 000 euros pièce (dix fois l’estimation) ; elles incarnaient bien l’élégance du baron, figure du Paris chic des années 1950. Le château de Versailles a renoncé à préempter un couteau aux armes de France daté de 1720 : estimé 6 000 à 8 000 euros, il s’est arraché 69 600 euros.
La passion l’a emporté tout autant, sinon plus, le second jour de vente pour la dispersion des souvenirs personnels du baron de Redé. Une paire de jumelles de spectacle en or, de la fin du XIXe siècle, émaillée cloisonnée, a été préemptée par le Musée du Petit Palais, à Paris, pour 28 800 euros, le double de l’estimation, comme tous les objets qui alliaient singularité et raffinement, du fume-cigarette Cartier 1925 aux épingles de cravate. À la fin de la seconde journée, un seul lot très convoité est venu bousculer le classement des meilleures enchères du premier jour : un recueil par Alexandre Serebriakoff, représentant les décors et les invités du Bal oriental donné à l’hôtel Lambert en 1969, dans une riche reliure en velours de soie rouge brodée de fils d’or aux incrustations de racines d’émeraude et de rubis, orné de 47 aquarelles, adjugé 168 000 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°212 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : Redémania

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