Foire de Berlin

Reconstruire

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 15 octobre 2008 - 657 mots

Le changement de calendrier d’Art Forum porte un coup à la foire berlinoise.

BERLIN - Si la ville de Berlin capte les énergies artistiques, sa foire Art Forum peine, elle, à améliorer son karma. Curateurs et collectionneurs transitent régulièrement par la capitale allemande, mais ne s’autorisent qu’un petit saut sur le salon. Les visiteurs avaient pu contester un léger mieux ces deux dernières années, malgré le boycott persistant des plus importantes galeries berlinoises. Mais, patatras, le report des dates de septembre à novembre a porté un coup au timide élan. La directrice en partance du salon, Sabrina van der Leye, a dû manger son chapeau en cédant son créneau à une foire de transports publics, Inno Trans ! La création en septembre, à l’initiative d’une trentaine de galeries locales, du parcours « ABC »  a fait l’effet d’un coup de poignard. La proximité dans le temps du salon turinois Artissima, ragaillardi par la direction du sémillant Andrea Bellini, risque aussi de jeter le voile sur Art Forum. « Berlin est une métropole bien plus grande que Turin, objecte Sabrina van der Leye. Art Forum est plus orientée sur la production la plus récente. En plus, vous avez une chance de pouvoir rencontrer les artistes derrière les œuvres car un grand nombre d’entre eux vivent ici. » Nonobstant cette profession de foi, Franck Elbaz (Paris) a préféré rejoindre la foire italienne. Du contingent parisien déplacé l’an dernier, seuls restent en lice Nathalie Obadia et Praz-Delavallade. Et pour cause, ils étaient les seuls à afficher de très bons résultats commerciaux. Ils sont rejoints par la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris), et son escarcelle comprenant Alain Bublex, Vincent Lamouroux et Mike Bouchet. « Je crois plus à long terme à Berlin qu’à Turin, d’autant que la nouvelle direction, avec Peter Vetsch et Eva Maria Häusler, est très attendue. Le salon reviendra à ses premières dates. Je préfère prendre déjà mes marques », explique Nathalie Obadia. Bruno Delavallade, qui montre Thomas Fougeirol et Philippe Decrauzat, enfonce ici le clou de sa présence berlinoise, concrétisée par l’ouverture en 2007 d’une galerie en association avec Suzanne Vielmetter.

Berlin qui rit, Berlin qui pleure

L’inflation du nombre de galeries à Berlin (650 au total !) se poursuit au risque de l’indigestion. Cette année, plusieurs grosses pointures de Düsseldorf et de Cologne, à l’image de Daniel Buchholz, Capitain & Petzel, Ulrich Fiedler ou encore Sprüth Magers, ont ouvert des dépendances. Ce alors même que leurs collectionneurs ne délogent pas de la Rhénanie. « Les artistes veulent des expositions à Berlin parce que leurs amis artistes sont là, souligne Cédric Aurelle, directeur du Bureau des arts plastiques, auprès de l’ambassade de France à Berlin. Les galeries d’Europe occidentale ouvrent aussi des plateformes d’exposition pour ne pas se faire prendre leurs artistes par les galeries berlinoises. » Les nouveaux venus viennent parfois de plus loin, à l’instar de Bodhi Art et Nature Morte en provenance respectivement de Mumbai et New Delhi. Ce foisonnement fait l’effet d’un miroir aux alouettes. « Berlin, c’est encore un espace de liberté, mais ça ne va pas durer. Les bobos venus avec l’idée d’une ville libre y apportent finalement leur petit confort et l’esprit berlinois est refoulé toujours plus loin », déplore l’artiste Damien Deroubaix. Ouvrir une galerie est une chose, pénétrer le tissu local en est une autre. « La scène fonctionne ici en mille-feuille de réseaux qui s’interpénètrent difficilement avec des cercles assez étanches, indique Cédric Aurelle. Les nouvelles galeries ne sont pas forcément bien accueillies par ceux qui occupent un terrain vaste physiquement mais étroit en débouchés économiques. » La programmation muséale se révèle par ailleurs décevante, par manque de crédits ou querelles de clocher. Des lieux se créent, ainsi General Public et Uqbar, quand d’autres, comme Plattform, ferment. Un projet de Kunsthalle temporaire d’une durée de deux ans doit être lancé dans l’Ile aux Musées. Mais il faudra plus que ces initiatives éclatées pour promouvoir la scène berlinoise.

ART FORUM BERLIN

31 octobre-3 novembre, Messe Berlin, halls 18 & 20 et 11.2, Messedamm 22, Berlin, tél. 49 30 3088 2076, www.art-forum-berlin.com, tlj 12h-20h.

- Direction : Sabrina van der Leye
- Nbre d’exposants : 127
- Tarif du stand au mètre carré : 190 euros
- Nombre de visiteurs en 2007 : 44 000

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°289 du 17 octobre 2008, avec le titre suivant : Reconstruire

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