Foires

Quatre à quatre

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 27 mai 2005 - 828 mots

Bruxelles accueille les arts d’Afrique, d’Asie et d’Océanie.

 BRUXELLES - Après les 3 J et les 4 S, voici les 3 B. Telle est l’accroche trouvée par Brussels non European Art Fair (Bruneaf), Brussels Ancient Art Fair (BAAF) et la petite dernière, Brussels Oriental Art Fair (Boafair), lancée par la galeriste bruxelloise Georgia Chrischilles. À cette allitération s’ajoute un quatrième larron, le Salon Antiquaires des grandes civilisations, organisé sous l’égide d’Art Home (1). L’entente, manifestée par des publicités communes, une unité de lieu – autour du Grand-Sablon – et de temps, est à saluer quand on connaît les rapports de force habituellement cultivés par les salons. Cet œcuménisme a un but : conforter Bruxelles dans une cartographie dominée par Paris, capitale incontestée des arts primitifs, et Londres, épicentre des arts asiatiques.
Une internationalisation des troupes est déjà à l’œuvre. Cette année marque le retour de deux marchands américains, Taylor Dale (Santa Fe) et Joel Cooner (Dallas) à Bruneaf. « C’est le bon moment pour nous, Américains, de vendre à des Européens avec le dollar qui leur est favorable », observe Joel Cooner. Son panel éclectique brasse aussi bien une figure de l’île de Bornéo qu’une paire de lions japonais du XVIIe siècle, dans une gamme de 15 000 à 50 000 dollars (11 800 à 39 300 euros). De son côté, BAAF renforce son contingent étranger avec l’arrivée de Rupert Wace (Londres) et Alan Safani (New York). La liste de Boafair laisse en revanche perplexe. Les grands pontes lui ayant préféré le salon d’Art Home, on y devine un arrière-goût de seconds couteaux. La foire compte néanmoins une génération montante au travail, sérieuse comme Alexis Renard (Paris). Celui-ci affiche pour 25 000 euros un grand Vishnu en grès du Gujarat, début XIIe siècle, et un florilège de carreaux de Damas et d’Iznik, de 600 à 4 000 euros.
En mettant les petits plats dans les grands, le Salon Antiquaires des grandes civilisations joue la carte du luxe et de l’élitisme. Il n’en a pas moins peiné à faire le plein d’exposants. Ses tarifs de 600 euros HT le m2 sont peu concurrentiels face aux 2 000 à 3 000 euros de frais de participation requis par Bruneaf (2). Bien qu’onéreuse, la foire a toutefois séduit de grosses pointures, comme Ariadne (New York), Mermoz, Oriental Bronze (Paris) ou Gisèle Croës (Bruxelles). Furieuse de ne pas avoir été conviée au Salon Grands antiquaires de Bruxelles en novembre, celle-ci fait son come-back dans un événement belge après vingt-cinq ans d’absence. Elle prévoit pour l’occasion une trentaine d’objets en argent et en or chinois, s’échelonnant de 50 000 à 300 000 euros. La galerie Jacques Barrère (Paris), qui avance depuis deux ans ses pions sur le marché belge, propose une grande sculpture khmère représentant Vishnu (300 000 euros). Les organisateurs ont aussi élargi les grandes civilisations à… la seconde école de Paris avec la participation d’Applicat-Prazan (Paris) !
Cette noria d’événements sera-t-elle source de synergie ou de dispersion ? On garde en mémoire la cacophonie contre-productive générée en 2002 par Kaos-Parcours des Mondes, feu le salon d’art tribal de l’hôtel Dassault, et la Biennale des antiquaires à Paris. Courtisés dans différents sites de la capitale, les collectionneurs ne savaient plus où donner de la tête. La conjugaison des événements bruxellois autour du Grand-Sablon devrait les prémunir contre une telle confusion. Les passerelles seront aussi profitables aux marchands généralistes, dont la palette s’arc-boute entre l’Afrique et l’Extrême-Orient.
Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes, n’étaient les ventes d’art primitif organisées à Paris du 6 au 9 juin. Ces dernières ont réfréné certaines participations françaises au salon d’Art Home, notamment celle du galeriste parisien Bernard Dulon. Rassasiés par le millier d’objets dispersés à Paris, les amateurs risquent d’ailleurs de renâcler à la dépense à Bruxelles. « Attendons de voir comment réagissent les visiteurs, indique le marchand bruxellois Patrick Mestdagh, nouveau président de Bruneaf. Je crois qu’il y a une clientèle pour les ventes publiques et une autre pour les galeries. »
Outre les vacations parisiennes, Bruxelles doit compter avec la concentration simultanée des foires et vernissages londoniens. « Les gens vont aller à Londres car ils en ont l’habitude, convient Gisèle Croës. Mais s’ils viennent de loin, ils feront l’effort de passer par Bruxelles, qui est tout près. » Georgia Chrischilles précise d’ailleurs qu’un groupe de collectionneurs asiatiques, habitués du pèlerinage londonien, compte se rendre en Belgique. Mais les premiers jours, l’ambiance sera sans doute au marché de gros, entretenu par les transactions entre marchands.

(1) Propriété du marchand parisien Georges De Jonckheere.
(2) Ce tarif comprend le stand, un dîner de gala, 100 invitations pour le cocktail et 150 pour le salon. Le forfait de Bruneaf finance l’édition de 3 500 catalogues.

- BRUNEAF, BAAF, BOAFAIR, 8-12 juin, place du Grand-Sablon, Bruxelles, www.bruneaf.com, www.baaf.be, www.boafair.be - SALON ANTIQUAIRES DES GRANDES CIVILISATIONS, 9-12 juin, the Art Home, 40, place du Grand-Sablon, Bruxelles, tél. 32 289 51 07, 11h-20h, (jusqu’à 21h le 10)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°216 du 27 mai 2005, avec le titre suivant : Quatre à quatre

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