Droit

Quand la rupture de cimaise emporte la responsabilité d’un organisateur d’exposition

TOULOUSE

La jurisprudence a récemment retenu que la clause visant à décharger un organisateur d’exposition de sa responsabilité en cas de dommages causés aux œuvres pendant la manifestation était abusive.

Eléonore Marcilhac, avocat à la cour
Eléonore Marcilhac, avocat à la cour.
© D.R

Toulouse. Que ce soit dans le cadre d’une exposition collective ou non, tout organisateur doit être vigilant lors de l’établissement du contrat le liant aux exposants, notamment quant à l’étendue de la clause limitant ou excluant sa responsabilité en cas de manquement, ainsi que l’illustre un arrêt récemment rendu par la cour d’appel de Toulouse (3 chambre, 3 novembre 2020, n 19/03642).

En l’espèce, un artiste avait confié des tableaux à une association dans le cadre d’une exposition. Or, à la suite de la rupture de la cimaise lors de leur installation par un membre de l’association, deux œuvres furent détruites.

L’artiste assigna alors l’association et son assureur en indemnisation de son préjudice car, selon lui, en tant qu’organisatrice, l’association était responsable de l’exposition des œuvres, de leur mise en place ainsi que de leur accrochage, et, par conséquent, des éventuels dommages causés aux œuvres en cas de défaillance du système d’accrochage.

Pour les défendeurs cependant, outre le non-respect de la procédure de résolution amiable entre assureurs, l’association bénéficiait d’une clause exonératoire de responsabilité en cas de « pertes, vols, incendie, dégradations ou autres qui pourraient survenir aux œuvres pendant l’exposition », telle que mentionnée dans le règlement de l’association remis aux artistes.

C’est d’ailleurs la position retenue par les premiers juges qui ont rejeté l’intégralité des demandes de l’artiste. Convaincu que cette clause lui était inopposable, ce dernier interjeta appel du jugement en soutenant principalement que cette clause était abusive puisqu’elle permettait à l’association de s’exonérer de toute éventuelle responsabilité en cas de manquement à ses obligations. Aussi, la restauration des œuvres étant impossible, il sollicitait 8 000 euros pour chaque pièce, en réparation de son préjudice matériel.

Pas de clause abusive dans une convention
Pour l’association, en revanche, sa responsabilité ne pouvait être engagée, que ce soit sur le terrain du droit commun ou sur celui du droit de la consommation. En effet, les artistes exposaient sous leur propre responsabilité et, de surcroît, le règlement de l’association la dégageait de toute responsabilité en cas de dommages survenus aux œuvres. Par ailleurs, s’agissant d’une « convention » conclue entre professionnels, la clause de décharge de responsabilité ne pouvait être qualifiée de clause abusive en application du droit de la consommation, puisque ni l’association ni l’artiste n’avaient la qualité de consommateur.

Cependant, ainsi que le relève la cour, infirmant partiellement le jugement, l’association avait « pour principale obligation de veiller au respect de l’intégrité des œuvres qui lui étaient confiées dans le cadre d’un dépôt mais également lors de leur accrochage qu’elle se réservait ». Il lui incombait, en conséquence, de s’assurer de la solidité du système d’accrochage. Dès lors, en se fondant sur le droit commun de la responsabilité et la jurisprudence antérieure à la réforme du code civil de 2016, les juges ont considéré que « la clause par laquelle elle se déchargeait de sa responsabilité “pour les pertes, vols, incendie, dégradations ou autres qui pourraient survenir aux œuvres pendant l’exposition”, en ce qu’elle vide la responsabilité de l’association de toute sa substance, constitue une clause abusive qui doit être réputée non écrite », et donc non opposable à l’artiste.

Ainsi responsable, l’association se devait de l’indemniser. Toutefois, considérant que les pièces produites par l’artiste pour justifier de la valeur de ses œuvres et chiffrer le quantum de son préjudice matériel étaient insuffisantes, la cour, suivant la proposition de l’association, a condamné cette dernière à lui verser la somme totale de 2 000 euros à titre d’indemnisation.

Aujourd’hui, les clauses abusives, dans un contrat d’adhésion de droit commun, sont sanctionnées par les dispositions de l’article 1171 du code civil.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°564 du 2 avril 2021, avec le titre suivant : Quand la rupture de cimaise emporte la responsabilité d’un organisateur d’exposition

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