Arts premiers

Prime aux expositions thématiques

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 3 octobre 2012 - 827 mots

La onzième édition du Parcours des mondes a enregistré une forte fréquentation et un bon niveau d’affaires, particulièrement dans les galeries ayant monté des expositions thématiques.

PARIS - La poitrine saillante et les fesses rebondies, elle se tient debout dans la pénombre de la galerie. Cette gracieuse cuillère anthropomorphe au manche gracile appartient à la collection de Serge Le Guennan. Après une année de décrochage, le marchand, a effectué un retour en fanfare au Parcours des mondes. Pour héberger son étonnante collection de cuillères rassemblées depuis vingt-cinq ans, le marchand de la rue Visconti a pris ses quartiers, l’espace de quelques jours, dans une grande galerie de la rue Guénégaud. Après avoir gravi quelques marches, le visiteur tombe nez à nez avec une centaine d’objets au garde à vous sous une lumière tamisée : cuillères à sorbet kadjar d’Iran, louche rituelle Haïda ou étonnante cuillère de pèlerinage pliable d’Angleterre, la diversité des formes et des provenances est impressionnante. De l’avis de bon nombre de marchands, l’exposition « Des cuillères et des hommes » était l’une des plus réussies du Salon international des arts premiers. Les pièces, proposées entre mille et plusieurs dizaines de milliers d’euros, sont parties comme des petits pains. « Quand les marchands font l’effort d’organiser des expositions thématiques, en sélectionnant avec exigence des pièces de qualité, le succès est au rendez-vous », prêche Renaud Vanuxem. Tout en répondant au journaliste venu l’interviewer le marchand jette un œil vigilant sur les visiteurs qui ne cessent de défiler dans sa petite galerie de la rue Mazarine rassemblant un bel ensemble de « Miniatures ». Des fétiches, des statuettes et des masques de belle provenance qui se négocient à partir de 2 000 euros. Toutes et tous de petites tailles comme cette gracieuse amulette Dayak de Bornéo (6,5 cm de hauteur) semblant tendre l’oreille, attentive aux chuchotements des collectionneurs.

Succès de l’art océnanien
« Les objets doubles sont très souvent des objets de pouvoir à la puissance décuplée par le fait de cette dualité associant deux forces complémentaires ou opposées », soulignent Nicole et John Dintenfass dans le catalogue de l’exposition « Dualité, l’esprit et son double » montée par Olivier Castellano dans sa galerie de la rue Mazarine. Les Janus, jumeaux ou couples d’une grande beauté plastique ont, eux aussi, fait un tabac auprès des collectionneurs. « Les expositions à thème ont très bien fonctionné. Vu les résultats obtenus en ventes publiques, l’art tribal est devenu un des piliers du marché de l’art », se réjouit le marchand parvenu à happer de nouveaux clients, dont des collectionneurs d’art moderne et contemporain.

« Auparavant, les gros deals [négociations] se faisaient sur l’art africain, maintenant c’est plutôt l’art océanien qui a le vent en poupe », signale Julien Flak, galeriste qui avait pourtant choisi de mettre en avant un ensemble d’objets du Nigéria. Debout à la proue de sa galerie Voyageurs & Curieux, Jean-Édouard Carlier ne pouvait que se féliciter d’avoir privilégié, cette année, une exposition thématique : « Archipel Bismark ». « J’ai vendu des pièces entre quelques centaines d’euros et plusieurs dizaines de milliers d’euros à des collectionneurs de tous horizons : britanniques, espagnols, italiens, américains mais aussi brésiliens », claironne le spécialiste d’art océanien de la rue Visconti. Belles pièces d’art océanien également comme cette sculpture Malangan de Nouvelle-Irlande jouxtant une gracieuse figure Yangoru/Boiken de Papouasie-Nouvelle-Guinée dans l’espace d’exposition de la galerie Madrilène Arte Y Ritual. « Il y a au Parcours des mondes une concentration d’objets d’art tribal que l’on ne trouve nulle part ailleurs », se félicite Antonio Casanovas qui a rencontré de « gros clients américains, européens et chinois ». Voisins d’Antonio Casanovas, Chantal Dandrieu et Fabrizio Giovagnoni occupent, depuis six ans le temps du salon, une grande galerie de la rue des Beaux-arts, où ils exposent un bel ensemble de masques dont un poignant masque Mano du Liberia à patine brune, les yeux fermés, le regard tourné vers l’intérieur. « Nous avons vendu plus de 50 % des pièces exposées. Nous réalisons, depuis quelques années, 50 à 60 % de notre chiffre d’affaires lors du Parcours des Mondes » se félicitait le marchand romain deux jours avant la clôture du salon. Si le marché de l’art demeure largement épargné par la crise économico-financière qui sévit depuis 2008, une grosse poignée de marchands d’art tribal a noté, lors de cette édition, des signes de frilosité chez leurs collectionneurs les plus modestes. Et quelques galeristes dont les Bruxellois Joaquin Pecci et Philippe Laeremans faisaient état d’une nette baisse de leurs transactions sur ce salon parisien. « Nous vendions les années précédentes des pièces entre 30 000 et 40 000 euros. Cette année, la plupart des transactions se sont portées sur des objets d’une valeur de 3 000 à 4 000 euros. Ces deux dernières années, nous avons mieux travaillé à Bruneaf qu’au Parcours des mondes » lance Philippe Laeremans, irrité, tout en se plaisant à souligner l’ambiance plus détendue et conviviale du salon bruxellois.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°376 du 5 octobre 2012, avec le titre suivant : Prime aux expositions thématiques

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