Préparer l’avenir

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 15 octobre 2008 - 535 mots

« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. » Ce vers extrait des Animaux malades de la peste, de Jean de la Fontaine, résume assez bien la situation économique actuelle.

Quand les États-Unis éternuent, le reste du monde s’enrhume. Pourtant, alors que la crise gagne tous les organes du système bancaire américain jusqu’à se propager sur nos rives, avec une chute de 22 % du CAC 40 la semaine du 6 au 12 octobre, les marchands de Nouveau Monde cherchent leur salut dans la Vieille Europe. L’avenir n’y est guère plus glorieux puisque, d’après les statistiques de l’Insee, la France et la zone euro entrent en récession au troisième trimestre. Qui dit récession, dit serrage de ceinture. Olivier Belot, directeur de la galerie Yvon Lambert (Paris), souligne ainsi qu’un achat qui se finalisait en trois jours l’an dernier se trouve aujourd’hui dilaté sur deux, voire trois semaines. Déclinologues par tempérament ou par lucidité, certains marchands français broient déjà du noir. L’Hexagone, qui a profité, mais modestement, des ressacs de l’embellie américaine, ne risque toutefois pas d’être soufflé avec la même violence par l’onde de choc. « Je ne suis pas pessimiste car nous n’avons pas une galerie de spéculation, assure le galeriste Michel Rein. Aucune structure n’échappera à la crise, mais la nôtre est saine financièrement et nous avons une vraie clientèle de passionnés. » Surtout, le couperet ne peut tomber sévèrement sur les artistes français, car ces derniers n’ont pas connu les excès de leurs confrères américains ou allemands. Faute d’un second marché vivace, les ventes publiques ne reflètent pas la bonne ou mauvaise santé des plasticiens français. Ainsi, d’après Artprice, depuis juillet 2007, seules deux œuvres de Christian Boltanski se sont vendues aux enchères en France, trois à l’étranger. Sur la même période, aucune œuvre de Daniel Buren ni de Mathieu Mercier n’a transité par les ventes publiques à l’étranger. Ces créateurs jouissent pourtant d’un premier marché assez actif.
Les galeries qui ont pris de gros risques en termes d’investissement peuvent toutefois difficilement réduire la voilure. Emmanuel Perrotin va ainsi annexer 300 mètres carrés supplémentaires rue de Turenne (Paris-3e), ce qui portera l’ensemble de son espace à 1 300 m2, l’équivalent de sa galerie à Miami. Il lance dans le même temps sa société de production d’œuvres monumentales (1) tout en préparant une exposition Damien Hirst pour 2010 (lire p. 3). « Crise ou pas crise, je ne veux pas mettre fin à mes rêves, le mien n’est pas d’attendre que les choses se passent », défend Perrotin. C’est aussi en pleine turbulence qu’Yvon Lambert a ouvert sa galerie à Londres. Bien qu’à un certain niveau il soit impossible de reculer, Olivier Belot reste prudent : « Tout le monde va forcément réduire son train de vie. Nier et continuer de faire comme si de rien n’était serait ridicule et impudique, confie-t-il. Au lieu de faire cinq projets ambitieux l’an prochain, nous serons amenés à n’en faire peut-être que deux. Nous allons réduire aussi le nombre de foires auxquelles on participe. » Les organisateurs de salons auront sans doute plus de mal que les marchands à jongler avec la crise.

(1) Lire le JdA no 287, 19 septembre 2008, p. 5.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°289 du 17 octobre 2008, avec le titre suivant : Préparer l’avenir

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