La performance occupe une place centrale dans l’œuvre photographique de l’artiste africaine-américaine présentée par Mariane Ibrahim.
Paris. De la pratique de Lorraine O’Grady (1934-2024), on connaît en France seulement les œuvres montrées dans le cadre d’expositions collectives comme celle actuellement au Palais de Tokyo, « Joie collective. Apprendre à flamboyer », qui présente un extrait de la série de photographies « Art is », issues de la performance que l’artiste réalisa en 1983 avec un groupe de danseurs et de danseuses lors de l’African American Day Parade, à Harlem. C’est la présence de cette pièce qui a d’ailleurs incité la galerie Mariane Ibrahim à programmer en parallèle la première exposition personnelle en France de l’artiste conceptuelle et performeuse africaine-américaine aux origines familiales caribéennes, décédée en décembre dernier à New York.
Les œuvres réunies couvrent quatre décennies du parcours artistique d’O’Grady, parcours amorcé à 46 ans. Une première série de performances dénommée « Mlle Bourgeoise Noire » (1980-1983) » dénonce la ségrégation raciale dans le monde de l’art, série passée depuis à la postérité. En particulier, l’ensemble de 14 photographies en noir et blanc narrant sa venue improvisée en 1981au New Museum de New York, vêtue d’une longue robe blanche faite essentiellement de gants blancs. La mise en regard de ces images avec deux portraits de la série « The Knight » (« Le Chevalier ») de 2020 (152,4 x 101,6 cm), dernier avatar de Lorraine O’Grady, portant là une armure de conquistador espagnol au casque surmonté d’un palmier [voir ill.], renvoie au dernier questionnement de l’artiste : « Si l’on cache tout – la race, la classe, l’âge, le sexe – que reste-t-il ? Qu’est-ce qui est possible ? »
Ce questionnement sur l’hybridation, suscité par sa propre histoire familiale, son vécu et sa revendication politique d’une vision non hiérarchique des rapports humains, se retrouve dans « Rivers, First Draft ». Photographiée en couleurs, cette performance chorégraphiée en 1982 à Central Park mit en scène son enfance, son adolescence mais aussi l’artiste qu’elle était devenue et qui souhaitait faire entendre sa voix, montrer sa vision.
Associés à ces séries emblématiques de l’œuvre, les collages surréalistes de O’Grady – parmi lesquels « The Strange Taxi : From Africa to Jamaisca to Boston in 200 Years », de 1991, photographié et tiré sur papier en 2019, 127 x 101,6 cm –, illustrent le glissement progressif de l’artiste, l’âge avançant, de la performance vers le collage mais aussi la photographie.Ce médium est utilisé au début uniquement pour enregistrer et documenter ses performances avant qu’elle n’opère, à partir de la fin des années 1990, une sélection d’images de ce travail pour créer des séries photographiques narratives.
Présente dans les collections des plus grands musées américains et en Europe, de la Tate Modern à Londres ou de la Fondation Beyeler (Riehen/Bâle), l’œuvre de O’Grady ne fait pour l’instant partie d’aucune collection publique en France. La galerie Mariane Ibrahim, qui expose ses pièces historiques, pour un prix affiché entre entre 20 000 et 150 000 euros, espère bien y remédier.
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Première exposition en France de Lorraine O’Grady
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°655 du 9 mai 2025, avec le titre suivant : Première exposition en France de Lorraine O’Grady






