Mural

Pignon-Ernest développe ses photos

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2014 - 508 mots

Berthet-Aittouarès présente une sélection de ses photographies d’interventions sur les murs des villes, des années 1970 à aujourd’hui.

PARIS - « Ernest Pignon-Ernest photographe » : généralement, ce genre de titre relève de la révélation. L’on découvre qu’un peintre ou sculpteur a aussi pratiqué la photographie de façon plus ou moins insoupçonnée. Rien de tel avec Pignon-Ernest puisque tout le monde sait, et a vu, qu’il a toujours fait des photos. En même temps, l’intéressé a régulièrement répété qu’il n’était pas photographe. Une chose est sûre : il a toujours entretenu avec cette discipline un rapport singulier, pluriel et complexe. Une forme de « je t’aime moi non plus ».

C’est ainsi grâce à une photographie qu’il a commencé sa carrière, en découvrant la reproduction d’un mur de Hiroshima sur lequel se lit l’ombre portée d’un homme et d’une échelle, comme si cette image avait été pyrogravée par la puissance de l’éclair nucléaire. La trace déjà. On est en 1965-1966, Pignon-Ernest en fait un pochoir, l’imprime sous forme d’alerte, sur les murs, rochers, routes et chemins qui mènent au plateau d’Albion où était installée la force de frappe nucléaire. Curieusement il n’en fera pas de photos. Pas de souvenirs donc.

C’est précisément pour garder une trace, une mémoire de ses actions éphémères que, dès ses interventions suivantes, Pignon-Ernest va les documenter en photo. Petit à petit, il va même, sur les conseils de Georges Rousse, changer de matériel pour améliorer, sur un plan technique plus qu’esthétique, la qualité de ses clichés. Dès lors, ses photos seront régulièrement exposées. Jamais seules, mais accompagnées de croquis de repérage et de dessins préparatoires de façon à exposer un processus de travail et non un résultat photographique. Car le vrai terrain de jeu d’Ernest, ce sont les murs, les rues, les villes, lui que les jeunes artistes du street art considèrent aujourd’hui comme un père fondateur, JR en tête. Et de fait, E. P.-E. le rappelle : « Je ne fais pas des œuvres en situation, je fais œuvre de la situation. » Ou encore : « Mes œuvres ce sont les lieux eux-mêmes. » Pour chacune d’elles, il s’imprègne en effet de l’histoire du lieu ; dans un second temps, il vient y inscrire ses dessins originaux ou sérigraphies, en les collant sur les murs. Comme une fiction glissée dans la réalité dont la photo va témoigner sans jamais isoler l’image apposée mais en tenant compte du contexte : environnement, passants, perspectives.

Cette sélection présentée par la galerie Berthet-Aittouarès est donc une grande première et montre parfaitement, avec des pièces datées de 1972 à 2013, l’évolution du rapport de l’artiste à cette pratique. Elle laisse effectivement à penser qu’au fil du temps « elles sont devenues un peu [s]es œuvres aussi ». Leur prix oscille entre 4 000 et 16 000 euros, soit logiquement un peu moins que ses dessins qui vont eux de 3 000 à 50 000 euros avec une moyenne à 20 000 euros.

Pignon-Ernest

Nombre d’œuvres : 20
Prix : de 4 000 à 16 000 €

Ernest Pignon-Ernest Photographe

Jusqu’au 13 décembre, galerie Berthet-Aittouarès, 14, rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 43 26 53 09, www.galerie-ba.com, du mardi au samedi 11h-13h, 14h30-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Pignon-Ernest développe ses photos

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