Entretien

Pierre-Emmanuel Audap, commissaire-priseur, Paris

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 12 mai 2010 - 742 mots

« Un rôle d’arbitres dans les familles »

Dans quelles circonstances avez-vous quitté Piasa en août 2009 ?
La société Piasa, que j’ai cofondée avec des confrères amis en 1996, a été cédée fin 2001 à François Pinault. Ce dernier en a cédé 60 % en 2008 à un nouveau groupe d’actionnaires de renom. Je ne souhaite pas regarder derrière moi, mais plutôt vers l’avenir. En résumé, je dirai qu’en avril 2009, ils ont installé un P.-D.G. qui découvrait ce métier et dont malheureusement la politique, tant sur le plan humain vis-à-vis du personnel que commercial, me semblait contraire à tout ce que nous avons tenté de construire depuis des années avec un certain succès. Des décisions contraires à mon éthique – et auxquelles je ne voulais pas que l’on associe mon nom – étant prises sans mon accord, je n’ai eu d’autre solution que de décider de prendre acte du constat de la rupture de mon contrat de travail. Mes avertissements n’ont pas été entendus à temps. Ils se sont séparés de ce P.-D.G. trois mois après mon départ ! Je ne suis pas parti de gaîté de cœur, je reste très attaché à l’ensemble du personnel de Piasa.

Comment s’est faite votre association avec Fabien Mirabaud, jeune commissaire-priseur diplômé ?
Je connaissais sa famille, et j’ai apprécié Fabien Mirabaud à l’occasion d’un stage qu’il a effectué chez Piasa par mon intermédiaire. Il m’avait fait une très bonne impression. J’ai été également sensible à sa volonté de se lancer dans cette profession. Il a un parcours atypique puisqu’il était avocat d’affaires dans un gros cabinet franco-new-yorkais et qu’il a tout quitté pour suivre sa vocation de commissaire-priseur. Nous nous sommes rapprochés après nos départs respectifs de Piasa. La SVV Audap-Mirabaud a été agréée le 8 avril par le Conseil des ventes volontaires. On démarre à deux, aidés d’une petite équipe, doucement mais sûrement.

Pourquoi n’avoir pas choisi un nom générique pour votre nouvelle maison de ventes, comme vous l’aviez fait pour Piasa ?
Notre société porte nos deux noms car notre intention est de nous centrer sur les relations individuelles, qui sont primordiales. Nous avons envie de travailler classiquement. En ce sens, nous avons un rôle important à tenir, qui est celui d’arbitres dans les familles. Nous devons être aussi objectifs face à nos vendeurs qu’à nos acheteurs. Nous ne faisons pas de discours trompeurs pour décrocher une vente. Et si nous avons des critiques à faire sur des objets que l’on nous confie, nous les faisons tout de suite. Tels sont les principes classiques que nous défendons.

Avez-vous des spécialités ?
Nous sommes avant tout des généralistes. Je pense qu’en étant trop spécialisés, on se ferme des portes. Nous avons la chance de travailler en confiance avec des experts réputés dans de nombreuses spécialités.

Quelles vont être vos premières ventes ?
Notre vente inaugurale se tiendra le 18 mai à Drouot. Il s’agit de la bibliothèque d’un amateur (1). Elle comprend des livres modernes, des ouvrages surréalistes et dada, des autographes et des photographies : la seconde édition de Der Blaue Reiter (1914) enrichie de deux pochoirs originaux hors texte de Vassily Kandinsky et de Franz Marc (est. 6 000 euros) ; l’édition originale de La Métromanie (1947) de Jean Paulhan, calligraphiée et ornée de dessins de Jean Dubuffet (est. 3 000 euros) ; ou encore une rarissime suite de partitions d’Erik Satie, avec envois (est. 5 000 euros). Puis, le 7 juin, nous disperserons un ensemble de 90 lots provenant de l’atelier d’Albert Brenet (1903-2005), présenté dans un beau catalogue relié. Ce peintre de la Marine a commencé sa carrière comme peintre animalier. Nous céderons en grande partie des gouaches, plus quelques huiles, dans une fourchette de prix allant de 2 000 à 15 000 euros.

Un mot sur l’affaire des cols rouges à Drouot ?
Personnellement, je n’ai jamais eu de problème avec eux. Mais je suis très rigoureux : je leur donne la liste des objets inventoriés et je suis toujours présent aux enlèvements. J’ai confiance en eux majoritairement. Ils ont une très grande capacité de travail. Cependant, la mésaventure présente nous oblige au moins à transformer la structure de nos rapports avec eux, afin que Drouot ait un contrôle qui n’existait pas à ce jour sur leur discipline.

 

(1) Vente le 18 mai à Drouot, Paris, SVV Audap-Mirabaud, tél. 01 53 30 90 30, www.audap-mirabaud.com, expositions le 17 mai 11h-18h et le 18 mai 11h-12h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°325 du 14 mai 2010, avec le titre suivant : Pierre-Emmanuel Audap, commissaire-priseur, Paris

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