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ART CONTEMPORAIN

Philippe Ramette, l’allégorie de l’arrosoir

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 14 novembre 2022 - 515 mots

PARIS

Jouant sur le non-sens, le photographe et sculpteur revient à la Galerie Xippas pour sa sixième exposition personnelle.

Paris. L’exposition démarre avec un arrosoir doré (en laiton), sur un socle comme une sculpture. On retrouve ce même objet en fin de parcours, mais en photo cette fois, porté par Philippe Ramette (né en 1961 à Auxerre), dans l’une de ces situations décalées, comiques et désopilantes, dans lesquelles il aime se photographier : ici digne et sérieux, en costume-cravate, mais avec l’ustensile sur la tête comme un improbable couvre-chef au milieu d’un paysage méditerranéen. Accompagnées par dix sculptures récentes en bronze, ces deux œuvres résument parfaitement le travail de l’artiste depuis ses débuts. Elles rappellent d’une part que lorsqu’il était étudiant à la Villa Arson de Nice (en 1985), il dessinait toujours des arrosoirs. Et d’autre part, selon ses termes, qu’il s’est « toujours considéré comme sculpteur et que c’est [son] travail de sculpture qui [l]’a amené à réaliser [s]es photos, entre 2003 et 2015 ». Celles pour lesquelles il confectionnait des prothèses invisibles pour se mettre dans des situations impossibles et absurdes – par exemple, accroché à une falaise en suspension à l’horizontal au-dessus du vide.

Un non-sens chargé de sens

Ses sculptures récentes perpétuent superbement cet art tout à la fois de non-sens et chargé de sens et de réflexions, notamment sur les doutes de l’artiste, à l’exemple de cette œuvre, Éloge de l’introspection, où l’on voit la silhouette de Ramette, tête baissée, adossé une jambe repliée contre un mur, mais il n’y a pas de mur. Ou encore cet Éloge de l’hésitation où l’on retrouve l’artiste une jambe vers l’avant, l’autre vrillée vers l’arrière avec la tête à l’envers sur le corps. Sans oublier ce Sculpteur allant travailler sur le motif  avec Ramette ployant sous le poids d’un socle presque plus gros que lui. De la procrastination au dépassement en passant par la déambulation, les différentes étapes de la création – avec ses affres ou ses joies – sont ainsi évoquées avec de réjouissantes acrobaties entre l’humour pince-sans-rire et le sérieux poil à gratter.

La taille modeste des sculptures (40 cm de hauteur) révèle également l’interrogation posée à la statuaire en général et au jeu d’échelle. Car si elles sont toutes des œuvres à part entière, et non des maquettes destinées à un agrandissement, la plupart d’entre elles pourraient très bien changer de taille pour s’adapter à l’espace public, à l’exemple de cette Proposition de monument en l’honneur de ceux qui se trompent toujours de direction montrant Ramette sur un piédestal en train d’indiquer une hypothétique direction. On l’aura compris, et les sourires des visiteurs en témoignent, dans cette période pour le moins morose, c’est une exposition qui fait du bien.

Les prix aussi qui, de 19 000 euros pour la photo (tirage à cinq exemplaires) à 26 000 pour les sculptures (six exemplaires) et 3 000 pour Allégorie de la création (l’arrosoir, pièce unique), rompent avec les sommes vertigineuses qu’on croise régulièrement. Ils sont même très raisonnables pour un artiste, certes discret, mais bien présent depuis plus de trente ans sur la scène artistique.

Philippe Ramette,
jusqu’au 3 décembre, galerie Xippas, 108, rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°598 du 4 novembre 2022, avec le titre suivant : Philippe Ramette, l’allégorie de l’arrosoir

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