Perrier, maître oublié

Deux galeries du faubourg Saint-Honoré font leur rentrée

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 septembre 2001 - 758 mots

Deux galeries du faubourg Saint-Honoré, celle d’Éric Coatalem et celle de Didier et Hervé Aaron, font leur rentrée avec deux expositions thématiques. L’une, ambitieuse et novatrice, rend hommage à un peintre injustement oublié, François Perrier (1584-1650), tandis que l’autre, davantage commerciale et décorative, décline le thème de la chasse et du paysage.

PARIS - L’exposition qu’organise la galerie Éric Coatalem présente la double originalité d’être non-commerciale et inédite. Elle présente six tableaux et une centaine de gravures de François Perrier provenant de collections privées. Élève de Giovanni Lanfranco et de Simon Vouet, responsable de la décoration de nombreux hôtels particuliers, François Perrier reste pourtant peu connu de l’histoire de l’art. “Il s’agit du seul artiste français qui peignait comme un Italien. Sa technique est fougueuse, violente. Il est resté longtemps avec Lanfranco, ce qui lui a donné cette espèce d’ampleur. Je ne connais qu’un seul Perrier disponible actuellement sur le marché. En vente publique, il n’y en a pas eu depuis quinze ans. Les œuvres sont souvent mal attribuées, confondues avec certains Italiens. Le catalogue qui accompagne l’exposition, rédigé par le conservateur Alvin L. Clarck, sera une référence”, commente Éric Coatalem, ordonnateur, voilà cinq ans, d’une exposition sur le peintre français Lubin Baugin. Oublié de l’histoire de l’art, l’artiste est pour ainsi dire inexistant sur le marché. L’enchère la plus récente, 42 000 francs, pour une esquisse à la pierre noire de la Prédication de saint Jean-Baptiste, date de 1995 tandis que l’adjudication la plus importante remonte à 1993 pour une huile sur toile, La Déification d’Énée, adjugée 111 500 livres sterling. Une fois n’est pas coutume, conservateur et galeriste effectuent un travail commun de réévaluation. “Les antiquaires ne sont pas des marchands de soupe. La France est le seul pays où les liens entre les marchands, les conservateurs et les historiens sont distants. Pourtant, notre combat est le même. Personnellement je trouve important de faire des expositions qui ne soient pas uniquement à but lucratif. Et puis qui sait, peut-être que d’autres Perrier vont resurgir à la suite de cela”, plaide le galeriste.

Lumière douce et veloutée d’un paysage napolitain
La galerie Didier Aaron ne s’aventure pas sur des sentiers aussi escarpés et propose – après le thème du portrait voilà deux ans – celui, plaisant, de l’histoire naturelle. Cette dénomination vaste permet de combiner avantageusement le paysage à la chasse, sujet noble et élégant par excellence. L’exposition tente de dresser un panorama chronologique et stylistique sur deux siècles par le biais de 54 œuvres représentatives de chaque école. Le “ticket d’entrée” est de 100 000 francs pour un dessin. Pour ce qui concerne les huiles, la fourchette va de 250 000 francs pour des petits formats à 2 millions pour une toile de grande dimension d’Isaac Moucheron. Si plusieurs œuvres présentées sont d’une facture décorative, certaines pièces se distinguent par leur originalité. Le Trophée d’un cerf chassé par le prince de Condé de Jean-François Perdrix est un tableau de provenance prestigieuse, destiné davantage à un amateur d’histoire fortuné qu’à un aficionado de la chasse. Proposée pour 850 000 francs, cette huile sur toile présente, dans une composition frontale et réaliste, une tête de cerf se détachant sur une planche maculée de sang. L’œuvre figurait vraisemblablement dans la galerie dédiée à la chasse du prince de Condé. Dans le sillage des œuvres difficiles, on peut remarquer un Retour de chasse de Louis-Joseph Le Lorrain, exécuté vers 1745 mais dont la facture rappelle davantage les brossages d’un Manet que le classicisme de ses contemporains. Méconnu de son vivant, ce peintre est aujourd’hui très recherché. Cette œuvre, acquise cette année par un collectionneur américain, figure au rang des quatre pièces qui, exceptionnellement, ne sont pas destinées à la vente. L’exposition présente par ailleurs des images apaisées, plus narratives, de sociabilité de cour ou de paysages raffinés. Une Vue du lac d’Averne, avec au loin le château de Baïa et le cap Misene présentée (1,1 million de francs) est caractéristique de l’art raffiné de Jean-Charles-Joseph Rémond. La lumière douce et veloutée de ce paysage napolitain pourrait intéresser les collectionneurs américains, initiateurs du marché des paysages de retour d’Italie.

- Œuvres de François Perrier, de Lanfranco à Simon Vouet, jusqu’au 27 octobre, galerie Éric Coatalem, 93 rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 42 66 17 17, du lundi au vendredi, 14h-19h, le samedi, 14h-17h.
- Histoires naturelles... Deux siÈcles de peinture de chasse et de paysage, jusqu’au 20 octobre, galerie Didier Aaron, 118 rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 47 42 47 34, du lundi au samedi, 11h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°133 du 28 septembre 2001, avec le titre suivant : Perrier, maître oublié

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