Paris-Monaco : le succès de la vie de château

Les ventes de fin d’année confirment l’engouement des acheteurs pour les collections familiales

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 8 janvier 1999 - 907 mots

Le mobilier issu de collections privées ou provenant de grandes demeures, comme la Maison Aubanel, le château d’Haroué ou celui de Long, ont séduit les collectionneurs en quête d’objets rares, exceptionnels et conservés depuis des générations dans les familles. Les pièces inconnues du marché ont aussi atteint de très beaux prix et le petit mobilier reste attractif.

MONACO/PARIS - Lots phares dans une vente qui a rapporté 14,8 millions de francs et où 67 % des 135 lots ont trouvé preneur, le mobilier du château d’Haroué, dispersé par Sotheby’s le 12 décembre à Monaco, s’est entièrement vendu, et la plupart des pièces sont parties à leur estimation pour un total de  3 641 000 francs. Parmi les dix lots provenant du château, une commode XIXe en laque du Japon adjugée 710 000 francs et un rare coffret en porcelaine de Sèvres époque Louis-Philippe, 260 000 francs, sont partis bien au-delà de leur estimation. Les plus belles enchères sont allées à deux autres pièces de la vente : une commode en marqueterie époque Transition, par Nicolas Petit, et un petit bureau plat en placage d’amarante époque Louis XVI, attribué à Philippe Claude Montigny, ont été adjugés à des particuliers au double de leur estimation, respectivement 1 772 500 et 1 222 500 francs. “Les meubles et objets exceptionnels se vendent extrêmement bien et l’on constate un engouement pour les meubles Transition”, commente l’expert Alexandre Pradère.

La même journée, également à Monaco, la vente par Christie’s du mobilier de la Maison Théodore Aubanel, dynastie d’imprimeurs, éditeurs et hommes de lettres installée à Avignon depuis le XVIIIe siècle, a dépassé l’estimation haute et rapporté 7,6 millions de francs. Sur 204 lots, seuls trois n’ont pas été vendus. L’enchère la plus élevée est revenue à une Annonciation de Louis Finson, élève du Caravage, acquise 727 500 francs par un particulier, contre une estimation de 300-500 000 francs. Une commode époque Régence en placage d’amarante, estimée entre 200-300 000 francs, s’est envolée à 435 500 francs, et un petit portrait sur cuivre du marquis de Chenerilles par Roger de Piles, célèbre critique d’art du XVIIe siècle, a été préempté à 109 250 francs par les Musées de France. Rappelant les successions Henri Samuel et Henry Clarke, Bertrand du Vignaud, président de Christie’s Monaco, souligne “l’engouement des acheteurs internationaux pour des ensembles de mobilier et objets d’art provenant de demeures pleines d’histoire et de charme”. Le 13 décembre, la vente de mobilier et objets d’art de Christie’s a dépassé les 19 millions de francs, avec 76 % des lots vendus. Les collectionneurs privés ont raflé huit des dix premières enchères, ainsi que la plupart des autres pièces. Une pendule Régence attribuée à André Charles Boulle et une commode Régence attribuée à Charles Cressent, vedettes de la vacation, ont été vendues à leur estimation, 1 552 500 et 1 332 500 francs. L’expert Patrick Leperlier relève qu’“en dépit de certaines difficultés à vendre du mobilier français classique du XVIIIe, cette vente a réservé de belles surprises pour des meubles dans leur jus”, comme en témoignent une paire de girandoles époque Empire et un coffre à bijoux demeurés dans la famille de leur commanditaire et qui ont été adjugés plus du double de leur estimation haute.

Plus de 20 millions pour les ventes Tajan
Les deux ventes de prestige de mobilier, à l’Espace Tajan, se sont déroulées avec succès. Le 15 décembre, les meubles et objets d’art ont totalisé plus de 12 millions de francs, tandis que le mobilier du château de Long, dispersé le 16 décembre, atteignait près de 8 millions. Parmi les enchères intéressantes, un bureau plat estampillé Hubert Hansen, époque Louis XV, est parti à 1 108 500 francs ; une paire de chaises et un fauteuil estampillés Sulpice Brizard, fin de l’époque Louis XVI, sont montés à 721 000 francs ; un fauteuil de bureau estampillé Georges Jacob, époque Louis XVI, a atteint 321 500 francs, et un précieux souvenir reliquaire en or représentant le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette, conçu à la fin du XVIIe siècle, s’est vendu trois fois son estimation haute de 80 000 francs. Les 23 pendules dites “au nègre” du château ont été à la hauteur des espérances : l’une d’elles a fait 188 500 francs et plusieurs ont été préemptées. L’expert Guillaume Dillée déclare : “Les ventes ont marché du feu de Dieu ! Pour le château de Long, il s’agissait d’un ensemble somptueux et cohérent de meubles et d’objets d’art en parfait état. Étant donné l’absence de prix de réserve, les estimations étaient très attractives. Il semble par ailleurs que le mobilier classique, en tant que valeur refuge, séduise de plus en plus les acheteurs. Les petits meubles, qui sont extrêmement commerciaux, se vendent toujours très bien”. Pour preuve, deux très belles enchères ont couronné une table de salon estampillée Joseph Schmitz, époque Louis XV, estimée 30-40 000 francs et adjugée 299 500 francs, ainsi qu’un bonheur du jour en placage de bois rose, sycomore et bois teinté, estampillé Jacques Laurent Cosson, époque Louis XV, qui a atteint 554 500 francs contre une estimation de 150-200 000 francs. Pour Guillaume Dillée, le succès d’une bonne vente, outre la qualité des objets présentés, passe aussi par “une bonne promotion”. Il est vrai qu’à l’Espace Tajan, plus spacieux que certaines salles de Drouot, particuliers et marchands ont bénéficié d’une exposition d’une semaine, attirant une clientèle internationale à l’étude qui entend ainsi rivaliser avec les auctioneers.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°74 du 8 janvier 1999, avec le titre suivant : Paris-Monaco : le succès de la vie de château

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