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À Paris, les galeries bombent le torse

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 15 décembre 2015 - 713 mots

PARIS

Les galeries Art : Concept, Christophe Gaillard et Laurent Godin ont ouvert récemment de nouveaux espaces à Paris, plus grands, témoignant d’un certain dynamisme du marché de l’art en France.

Paris bouge, c’est une évidence, la Fiac, avec ses nombreuses foires off, séduit les collectionneurs étrangers qui ne manquent pas, lorsqu’ils séjournent dans l’Hexagone, de fréquenter les institutions qui font bouger les lignes (le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, le Palais de Tokyo, la Maison rouge…) et les galeries parisiennes sont également de la partie pour dynamiser la capitale, tant en ce qui concerne l’offre artistique que le marché. On note de leur côté un fort tropisme pour agrandir leurs espaces afin de monter en puissance et de pouvoir faire face à la concurrence accrue des grosses enseignes et scènes étrangères (Bruxelles, Los Angeles, Berlin…).

Réinventer les galeries
À l’automne dernier, Art : Concept, avec à sa tête Olivier Antoine, a ouvert un nouvel espace dans le Marais, l’ensemble de la galerie se déployant désormais sur une superficie globale de 360 m2, suivie de près par Christophe Gaillard qui, en quittant la rue de Thorigny pour la rue Chapon, a pris place dans un lieu de 450 m2 découpé en deux parties. De son côté, Laurent Godin a surpris son monde en ouvrant en octobre dernier, en plus de son espace habituel rue du Grenier-Saint-Lazare, une nouvelle structure « ovni » d’environ 500 m2 dans le 13e arrondissement. Dernièrement, Pace, une grande galerie new-yorkaise, a annoncé l’installation d’un bureau dans la capitale française et, last but not least, Kamel Mennour, déjà très présent à Saint-Germain-des-Prés, ouvrira début 2016 un second espace en plein cœur du 8e arrondissement, avenue Matignon, tout près du géant Gagosian et des maisons de ventes aux enchères Christie’s et Sotheby’s.

Si les intentions commerciales sont manifestes – nul doute que Mennour lorgne du côté de la riche clientèle du Triangle d’or –, il s’agit aussi pour ces galeristes ambitieux, via cette course au gigantisme, de garder leurs artistes stars, de gagner en visibilité (les grands espaces et les expositions spectaculaires attirent du monde) et de casser le ronron du système traditionnel (impératifs d’invitations, de communication et de vernissage) des galeries marchandes. « Les gens viennent de moins en moins dans les galeries, il s’agit de réinventer de bonnes raisons d’y aller » (Laurent Godin). Quitter les conventions commodes, créer de nouvelles synergies, prendre le temps de faire un travail de fond avec les plasticiens, inventer des partenariats inattendus : c’est aussi le souhait de Christophe Gaillard qui projette d’inviter tous les ans un galeriste (le premier sera le Viennois Philipp Konzett) et de lancer un « Collector’s Summer » pour convier chaque été un collectionneur ami à montrer sa collection. « La vitalité de Paris, précise-t-il, j’y crois. Je ne veux pas céder au pessimisme de certains, aux économies de bouts de chandelle d’autres. J’ai soif de nouveaux projets et de nouvelles manières de montrer l’art. »

Paris, là où il faut être
Pour Olivier Antoine, optimiste mais réaliste, le French bashing est loin de disparaître, « notre grosse casserole étant le problème de la langue, qui est un frein pour le développement de nos réseaux à l’international » ; pour autant, il est à noter que Paris, marqué par une certaine lenteur bourgeoise, est, de par le poids de l’histoire, une plate-forme culturelle dotée d’une redoutable force centrifuge. Selon le journaliste du New York Times Scott Reyburn (« Paris et Londres, dans leur confrontation artistique annuelle », 23/10/2015), « à Londres, pendant Frieze, tout va très et trop vite, on part dans plein de directions. À Paris, avec la Fiac, le rythme est plus lent, on regarde vraiment les œuvres et il y a l’ancrage de l’histoire. Le jeune Roumain Adrian Ghenie, de chez Ropac, dit : “Pour un Européen, Paris est ce qu’est New York pour un Américain. Cette ville est tellement connectée à l’histoire de l’art à laquelle je me réfère toujours.” Cette connexion historique fait vraiment de Paris un lieu à part et une destination incontournable pour acheter de l’art contemporain. » Alors Paris, en matière de marché de l’art, the place to be pour reprendre une formule anglaise ? Si même les étrangers l’affirment, on devrait finir par y croire ! 

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Le nouvel espace de la galerie Christophe Gaillard lors de l’exposition de Rachel de Joode. © Photo : Rebecca Fanuele

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : À Paris, les galeries bombent le torse

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