Analyse

Paris et le désert français

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 5 juillet 2011 - 538 mots

Hors de Paris point de salut ? On pourrait le penser, vu la vague de galeries de province venues s’établir dès les années 1990 à Paris. En 2010, Triple V a quitté Dijon pour prendre pied dans le 13e arrondissement parisien, tandis qu’en mai Dukan Hourdequin a migré de Marseille au Marais. « Il n’y a pas de salut hors de Paris, alors qu’il y en a à Karlsruhe, Naples, San Gimignano ou Glasgow », admet Michel Rein, lequel a animé une galerie de 1992 à 1999 à Tours. Rares ont été les galeries à s’ancrer en province et bénéficier d’une stature internationale, à l’instar du défunt Marseillais Roger Pailhas, qui s’appuyait sur une structure de production importante, ou Pietro Sparta à Dijon, lequel a collaboré avec de grands artistes grâce aux relations privilégiées nouées avec eux. 

« Coin touristique »
Souvent, les créateurs pressent eux-mêmes leurs galeries de province de monter à Paris. Ce fut le cas de la galerie Éric Dupont, laquelle a exercé à Toulouse de 1991 à 1996. « J’ai vu plus de monde en trois mois à Paris qu’en un an dans la Ville Rose. Toulouse est une ville fermée, on y trouve une forme de repli continental que ne connaissent pas des villes ouvertes sur la mer », explique-t-il. « En régions, les gens n’ont pas une énorme puissance de feu pour acheter des grosses pièces, ajoute Olivier Antoine, de la galerie Art : Concept, laquelle a quitté Nice en 1997. À Paris, le nombre de collectionneurs est hallucinant par rapport à celui des régions. » En s’installant dans la capitale, Michel Rein a ainsi doublé en un an son chiffre d’affaires, et commencé à avoir des achats privés, alors qu’à Tours ses transactions reposaient pour 75 % sur des ventes institutionnelles.

Pour Marc Hourdequin, cofondateur de Dukan Hourdequin, le repli parisien participe d’un processus naturel. « À Marseille, il n’y a pas de marché d’art contemporain. Notre idée était d’emblée de faire des foires, jusqu’à cinq par an, et nous nous sommes rendu compte qu’une bonne partie de notre clientèle était parisienne, explique-t-il. Pour les douze artistes étrangers que nous avons dans notre liste, cela compte d’être à Paris. Et pour les galeries de ces artistes, c’est tout aussi important. » L’installation à Paris lui a permis de lier connaissance avec certains acteurs de la scène. Néanmoins, toutes les tentatives de migration n’ont pas porté leurs fruits. Ainsi Arlogos, qui avait quitté Nantes pour s’installer dans l’ancien espace de la galerie Éric Fabre à Paris, n’a pas tenu sur la durée. « Ici le type d’activité change, on passe d’un travail de dossier à un travail de relations publiques, remarque Michel Rein. Il faut rentrer dans le milieu parisien. » Même si le jacobinisme a de beaux jours devant lui, certains se sont aventurés à ouvrir des espaces en pleine campagne, comme Galleria Continua, fondatrice du « Moulin », à Boissy-le-Châtel (Seine-et-Marne). « Je pense qu’on peut construire quelque chose d’exceptionnel qui réponde aux besoins des artistes, pas en rase campagne mais dans une jolie ville ou un coin touristique, estime Michel Rein. Une aventure qu’on ferait non pas au début d’une carrière, mais quand on a déjà établi un réseau. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°351 du 8 juillet 2011, avec le titre suivant : Paris et le désert français

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