Trois questions à

Olivier Doutrebente, commissaire-priseur à Drouot, SVV Doutrebente

« L’objet d’art se raréfie »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 2 avril 2004 - 488 mots

 Comment se porte le marché des ventes publiques ?
Le marché des enchères fonctionne en parallèle avec la Bourse. Il est particulièrement attentif à l’économie et à la politique. Le premier trimestre 2004 a été difficile et décevant. C’est un peu inquiétant. On pense toujours qu’il va y avoir un sursaut mais on ne le voit pas arriver… L’objet d’art se raréfie. En volume, on est en deçà de ce qu’on a pu faire les années précédentes à la même période. Dans ma prochaine vente de tableaux, dessins, objets d’art et bel ameublement du 7 avril, par exemple, j’ai seulement 123 lots alors que d’habitude j’ai 300 numéros au catalogue. De plus, j’y présente peu de meubles. En ce qui concerne la tendance du moment, le mobilier classique XVIIIe a perdu de son éclat. La marqueterie s’est carrément cassé la figure au profit des meubles en bois naturel. La période Empire, qui met à l’honneur l’acajou, revient notamment au galop.

Pouvez-vous nous raconter une anecdote sur un objet passé dans l’une de vos ventes ?
Le 5 mars 2003, j’ai vendu un tableau du peintre d’origine vietnamienne Le Phô (1907-2001), Jeune femme assise sur une terrasse lissant une mèche de cheveu, pour 68 400 euros, un prix de référence. À la suite de cette enchère qui témoignait d’une progression de la cote de Le Phô peu de temps après sa disparition, on m’a présenté à l’automne de cette même année une autre peinture de l’artiste. J’ai insisté pour qu’elle soit visée par un expert bien que le vendeur y fût farouchement opposé, prétendant le tableau authentique. Mon expert ayant un avis circonspect, nous soumettons l’œuvre au fils du peintre qui la reconnaît comme faux manifeste. Aujourd’hui, le tableau est toujours retenu chez moi et, à la demande du fils de Le Phô, détenteur du droit moral de l’œuvre de son père, il va être détruit.

Quelle est votre actualité ?
Le 7 avril à Drouot, je vends quatre tableaux de Félix Vallotton (1865-1925) provenant d’une succession. Tous ont été achetés à la fin des années 1920 à la galerie Druet. La toile la plus importante, Environs de Cagnes le soir, 1924, estimée 150 000-180 000 euros, composée de plans successifs, a été réalisée un an avant la mort de l’artiste : un petit chemin éclairé par le soleil couchant, avec à droite un arbre feuillu, un petit chêne sec et une femme assise, à gauche un talus de terre fraîche et dans le fond des montagnes. Un sentier entre deux buissons, 1923 (estimé 120 000-150 000 euros), un paysage sous un ciel gris nuageux des Bords de la Risle, 1924 (estimé 100 000-120 000 euros) et une nature morte d’un style plus classique, Sept pommes jaunes sur une serviette, 1911 (estimée 20 000-25 000 euros), [avec des fruits] peints sur fond d’atelier (marqué par la présence de châssis), sont les trois autres toiles qui, je l’espère, retiendront l’attention des collectionneurs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°190 du 2 avril 2004, avec le titre suivant : Olivier Doutrebente, commissaire-priseur à Drouot, SVV Doutrebente

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