Entretien

Nathalie Obadia, galeriste

Les stocks taxés

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 727 mots

Le décret d’application du droit de suite, étendant cette taxe aux galeries, a été signé le 10 mai au Conseil d’État. Quel en sera l’impact sur le marché français ?
Les galeries ne vont plus se constituer des stocks d’artistes français ou européens, car, dès la première revente, elles seront taxées. Du coup, plutôt qu’acheter un Français, elles pourraient préférer acquérir un artiste non Européen. La constitution d’un stock permet pourtant de soutenir les artistes en amont. Cela prouve qu’on croit dans leur travail sur le long terme. Le droit de suite nous incite à n’être plus qu’un intermédiaire. En contrepartie de cette redevance, le Comité des galeries d’art a toutefois obtenu une baisse de la cotisation des galeries à la Maison des artistes, désormais de 1 %. Fin 2008, nous ferons une étude plus axée sur les conséquences du droit de suite.

La transparence des opérations de reversement de cette redevance n’impliquera-t-elle pas de nouvelles relations avec les artistes ?
Pendant trois ans, si l’artiste soupçonne la galerie de ne pas avoir rempli ses engagements, il peut obtenir les informations sur la date et le prix de vente d’une œuvre, bien que celle-ci appartienne à la galerie. Or, les galeries font parfois des concessions de prix à des musées ou des collectionneurs, négociations d’ordre purement confidentiel. Que l’artiste soit informé du montant des transactions peut être délicat car, s’il le diffuse, d’autres institutions ou amateurs qui ne bénéficient pas des mêmes rabais pourraient s’en offusquer. Peut-être même qu’un jour un artiste pourrait attaquer une galerie pour concurrence déloyale parce qu’elle aura vendu moins cher qu’en ventes publiques ou qu’une autre galerie à l’étranger.

Vous avez permis un revival autour de l’œuvre de Martin Barré. Y a-t-il une recette type pour ce genre d’exhumation ?
On ne peut pas le faire avec un artiste qui sorte du chapeau. Malgré son absence du marché, Martin Barré a toujours bénéficié du respect des conservateurs, des critiques d’art, même plus jeunes, et d’un noyau de collectionneurs avertis. Il y avait un intérêt qui ne demandait qu’à être ravivé. Son œuvre transcende les générations parce qu’elle est contemporaine. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu la montrer au regard des artistes internationaux de sa génération, ou plus jeunes. Le revival n’a pu se faire que parce qu’il y avait une pertinence de l’œuvre, une réunion des énergies, une recontextualisation du travail et la confiance des ayants droit. Mais il n’existe pas de recette généralisée applicable à tout le monde.

Deux artistes, Patrick Faigenbaum et Joana Vasconcelos, viennent de vous rejoindre. Pourquoi ces choix ?
Faigenbaum, que je vais présenter en septembre 2008, est quelque part un peintre. Il a une approche intellectuelle certes, mais très intime du portrait photographique. Son arrivée dans une galerie comme la mienne, qui a défendu la peinture, est logique. Quant à Vasconcelos, je n’ai pas vu une artiste femme avec une telle énergie. C’est un bulldozer d’intelligence, de ténacité. Son discours mêle la culture chrétienne et la société consumériste, toutes les préoccupations du Sud de l’Europe.

Les galeries françaises peinent à s’imposer dans les grandes foires internationales. Quelle en est la raison ?
Dans la mesure où la France n’est pas un pays prescripteur, les galeries françaises apportent peu de plus-value à une foire. Si on y va avec des artistes hexagonaux, on ne les intéresse pas. Si on amène des créateurs étrangers, on se trouve en concurrence avec d’autres galeries. La porte est très étroite. Il est difficile de rentrer dans les foires car les critères de sélection sont plus subjectifs qu’objectifs. Nous ne sommes jugés que par nos pairs, lesquels peuvent être dans une situation de compétition commerciale avec nous. Il faudrait qu’un comité de sélection soit aussi constitué de critiques, de conservateurs et de collectionneurs.

Quelle est du coup votre stratégie face aux salons ?
En dehors des foires importantes auxquelles je participe ou que je souhaite intégrer, je choisis selon les énergies du moment. Je fais ainsi Art Forum à Berlin et ShContemporary à Shanghai avec l’artiste indienne Rina Banerjee en septembre. Si à chaque fois que l’on participe à un salon, on s’interroge sur l’impact que cette décision aura sur le comité d’une foire importante, on ne fera plus rien. Bien qu’on m’ait martelé qu’Art Paris n’était pas faite pour moi, j’y ai vendu à de très bons collectionneurs. Qu’est-ce que finalement notre métier ? Vendre des œuvres de qualité à des collectionneurs et musées influents.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°260 du 25 mai 2007, avec le titre suivant : Nathalie Obadia, galeriste

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