Air de Paris

Mystère Pigman

Ingrid Luche imprime désirs et souvenirs à ses objets à caractère muséographique

Par Françoise Chaloin · Le Journal des Arts

Le 4 janvier 2012 - 515 mots

PARIS - C’est sous les airs paisibles d’un petit Lapin turquoise de céramique, donnant son titre à sa deuxième exposition personnelle à la galerie Air de Paris (à Paris), qu’Ingrid Luche emmène le visiteur de l’autre côté du miroir, à travers un univers tout onirique et plus désarçonnant.

Au centre de la seconde salle, l’attend un formidable Monsieur Pigman (2011), en pâte à modeler noire tachée de couleurs, piercing aux oreilles, dressé en buste sous la lumière tamisée d’une vitrine. Image détournée de l’officier de police américain blanc, ce cochon nous toise, goguenard, du haut de sa présumée intelligence supérieure, tout en donnant l’impression d’être englué dans son socle.

Robes de cérémonie
Aussi théâtrales et muséographiques apparaissent cinq « Ghost Dresses » (2011), inspirées de tuniques amérindiennes vues au Museum américain d’histoire naturelle de New York. Pour le décor de ses robes de cérémonie, l’artiste a repris l’un des motifs traditionnels observé, censé conjurer le mauvais sort (pour Le Rêve de la Halle Bibliothèque), et a imaginé tous les autres : papillons aux couleurs acidulées, trames géométriques (Mannahata), bribes de paysages…, tandis que la forme de Grande robe de l’ange de mer ocellé évoque celle du requin éponyme. Ingrid Luche cite à ce propos les Demeures ou sculptures-habitat d’Étienne-Martin, lequel restitue à l’infini dans l’habit le plan de sa maison d’enfance. Mais elle a développé par ailleurs en dessin cette même translation à tonalité affective, dans le cadre bidimensionnel de la feuille de papier, y condensant lieux parcourus ou vécus, détails remémorés ou rêvés. Le caractère énigmatique bien que truffé d’indices de ces dessins, proposés à 2 200 euros, contribue à leur puissance subjective. Nombre d’entre eux ont été réalisés lors de la résidence de l’artiste à New York en 2010 (sous l’égide de CulturesFrance). Alors que les photographies réunies dans le diaporama présenté parallèlement à la galerie de Rutebeuf, à Clichy, saisissent selon des points de vue singuliers et partiels des grandes villes, européennes et américaines.

Présentée l’été dernier à La Station, à Nice, en lien avec « L’art contemporain et la Côte d’Azur », et avec une belle installation dans l’exposition collective « De la neige en été », au Confort moderne, à Poitiers, Ingrid Luche, issue de l’école de la Villa Arson, à Nice, a notamment bénéficié d’un Module en 2008 au Palais de Tokyo, à Paris, et été montrée à deux reprises, en 2000 et 2004, au Mamco, à Genève. Le Fonds national d’art contemporain et le Fonds régional d’art contemporain Poitou-Charentes l’ont fait entrer dans leur collection. La galerie espère que Mister Pigman (17 000 euros) ou quelques-unes des « Ghost Dresses » (6 400 euros) puissent rejoindre une institution, ces pièces étant on ne peut plus adaptées à une présentation muséale…

INGRID LUCHE, LE LAPIN TURQUOISE

Nombre d’œuvres : 20
Prix : de 1 600 à 17 000 €

Jusqu’au 21 janvier, galerie Air de Paris, 32, rue Louise-Weiss, 75013 Paris, tél. 01 44 23 02 77, du mardi au samedi, 11h-19h, www.airdeparis.com. Et aussi, jusqu’au 15 janvier à la galerie municipale du Rutebeuf, 16-18, allées Léon-Gambetta, 92110 Clichy, tlj 15h-20h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°360 du 6 janvier 2012, avec le titre suivant : Mystère Pigman

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