Monsieur Phillips États-Unis

Un entretien avec le nouveau DG pour l’Amérique du Nord

Le Journal des Arts

Le 13 avril 2001 - 912 mots

Après une trentaine d’années de bons et loyaux services chez Sotheby’s, John Block, âgé de cinquante-deux ans, a été nommé, en début d’année, directeur général de Phillips Amérique du Nord. Nous l’avons rencontré entre son bureau de la tour LVMH Dior où il reçoit ses clients et le siège social de Phillips à Central Park East.

NEW YORK (de notre correspondant) - Chez Phillips, John Block retrouve plusieurs de ses anciens collègues : avec Simon de Pury, il a réalisé de grandes ventes, telle celle des bijoux de la duchesse de Windsor en 1987 à Genève, tandis que Daniella Luxembourg, à présent présidente de Phillips, était autrefois vice-présidente de Sotheby’s Suisse. Quant à Thierry Millerand, grand spécialiste du mobilier français du XVIIIe siècle, il fut lui aussi recruté chez Sotheby’s. John Block a obtenu une maîtrise à l’université de Princeton, a étudié la peinture du Moyen Âge et de la Renaissance à l’Institute of Fine Arts de l’université de New York, puis a été formé par un grand auctioneer, John Marion, ancien président de Sotheby’s.

Quels sont vos projets pour Phillips ?
Je veux, avant tout, construire une maison de vente plus spécialisée qui sera dotée des plus grands experts, qui sera présente partout dans le monde et proposera un service clientèle exceptionnel. Je ne cherche que le haut de gamme dans dix spécialités, parmi lesquelles la peinture, la sculpture et les arts décoratifs. Le mobilier européen est couvert par Thierry Millerand, ancien de Sotheby’s et expert en meubles français du XVIIIe siècle, tandis que James Zemaitis est spécialisé dans le mobilier du XXe siècle, depuis Tiffany jusqu’à Le Corbusier.
D’ici un an, nous aurons développé notre structure et emploierons 50 personnes, puis 125 l’année suivante. Nous souhaitons ouvrir des succursales, des départements de marketing et de presse et étendre notre domaine d’activité. Pour l’instant, nous ne sommes pas représentés en Floride et c’est précisément là que nous comptons être actifs. Nous voulons également avoir des représentants à Los Angeles et éventuellement à Chicago.
En ce qui concerne le personnel, nous n’aurons pas plus de 500 employés pour l’international : Paris, Genève et Londres. Nous envisageons également d’organiser des expositions préalables dans d’autres villes. Palm Beach est, pour les bijoux, le plus gros marché après New York. Les ventes de gré à gré constitueront une grande partie de notre activité. Nous ne voulons pas proposer d’objets de moyenne gamme, mais cela ne signifie pas que nous n’ouvrirons pas une autre maison de vente.

Pour votre spécialité, les bijoux, vous ne pouviez espérer mieux que le groupe LVMH qui regroupe Chaumet, TAG Heuer et Ebel. Prévoyez-vous des campagnes de marketing communes ?
L’une des raisons qui m’ont poussé à rejoindre Phillips est la synergie que l’on observe chez LVMH.

Dans une grande maison de vente, quel pourcentage du bénéfice les bijoux réalisent-ils ?
Pour les bonnes années, les bijoux peuvent représenter 20 % du bénéfice. Mais je ne peux rien vous dire des marges bénéficiaires. Il n’existe pas plus d’une centaine de grandes collections de bijoux d’une valeur supérieure à 20 millions de dollars.

Phillips n’a toujours pas communiqué le montant du produit de ses ventes de bijoux pour l’exercice 2000, mais on pense que l’auctioneer est loin derrière Sotheby’s et Christie’s. Quelle part du marché visez-vous ? Prévoyez-vous de proposer également des bijoux fantaisie ?
Nous ne programmons pas de ventes spectaculaires : nous mettons plutôt l’accent sur les bijoux signés, de grande valeur. En général, une vente de 200 lots est préférable à une vente de 600 lots. Je serais satisfait d’un produit de 8 à 10 millions de dollars et d’une part de marché de 20 %. Dès la deuxième année, nous pouvons atteindre un objectif de 40 millions de dollars. Le prince Dimitri de Yougoslavie a quitté Sotheby’s pour rejoindre Phillips. Il sera, en principe, chargé de l’expertise internationale des bijoux. En ce qui concerne les bijoux fantaisie, la vente Jackie Onassis en contenait beaucoup ; si une grande collection comprend des pièces haut de gamme, nous les inclurons dans la vacation, mais ce ne sera jamais un département indépendant.

Les maisons de vente étant dans l’obligation de respecter des clauses contractuelles de non-concurrence, votre passage soudain de Sotheby’s à Phillips a pu paraître surprenant.
Lorsqu’on change de maison de vente, on doit observer un délai réglementaire. Dans mon cas, il a été réduit par consentement mutuel et a expiré le 1er janvier. J’ai quitté Sotheby’s au début de l’automne pour rejoindre Phillips à la mi-janvier.

En cette période de recrutement massif, comment recherchez-vous vos collaborateurs ?
Tous les mois, nous recevons des curriculums par centaines. Du fait de la crise des “entreprises.com”, nous rencontrons des gens qui veulent changer de carrière. Je ne vais pas chercher les employés de Sotheby’s, ils me contactent de leur propre initiative, mais je dois reconnaître que nous approchons aussi le personnel de Christie’s. Julie Goldstein, de notre bureau de Londres, est pressentie pour le poste de directeur financier de Phillips International. Carole Bellidora vient de prendre la charge du service clientèle et Mary Van Pelt, autrefois au MoMA, nous a également rejoint.

Pensez-vous que la situation économique actuelle aux États-Unis pourrait détourner les clients des ventes aux enchères ?
Pas du tout. L’histoire l’a prouvé : les gens ont confiance lorsque la conjoncture est incertaine et ils placent leur argent dans les valeurs sûres, à savoir les bijoux, la peinture et la sculpture. Même lorsque la Bourse accuse une tendance à la baisse, ils continuent de dépenser leur argent.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°125 du 13 avril 2001, avec le titre suivant : Monsieur Phillips États-Unis

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