Ventes aux enchères

Marché des bijoux, le coup d’éclat !

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 24 mars 2020 - 864 mots

Si les ventes de haute joaillerie brillent de tous leurs feux, les créations d’artistes ou les bijoux anciens séduisent aussi un public de plus en plus large.

Quand on parle ventes de joaillerie, on pense aux pièces exceptionnelles qui s’envolent aux enchères à New York, Genève, Londres, Hong Kong et Paris : ce diamant bleu de 14,62 carats, l’Oppenheimer, cédé 57,97 millions de dollars en 2016 à New York par Christie’s, ce Pink Star de 59,60 carats, parti pour 71,2 millions de dollars en 2017 à Hong Kong chez Sotheby’s ou encore ce pendentif en perles de Marie-Antoinette adjugé 36,2 millions de francs suisses en 2018 à Genève. Mais le marché est bien plus large que ce segment très haut de gamme réservé aux marchands, collectionneurs, milliardaires, investisseurs ou maisons de joaillerie historiques recherchant leurs pièces patrimoniales. En témoignent les 71 ventes dédiées organisées à Drouot l’an dernier, au cours desquelles se sont échangés près de 20 000 bijoux pour un prix moyen de 2 060 euros, frais inclus…

Un marché en croissance

La clientèle se diversifie géographiquement, de la Russie au Moyen-Orient en passant par l’Asie. Et elle rajeunit, avec des 25-40 ans qui ont envie de porter ces pièces de choix autrefois remisées dans les coffres, pour se singulariser. Sotheby’s, qui réalise plus de 10 % de son chiffre d’affaires avec les bijoux, réunit ainsi sur ses ventes des enchérisseurs de cent pays, avec de plus en plus de femmes et de jeunes, très actifs sur Instagram et le fil Twitter @sothebysjewels (172 000 followers en deux ans). « Le marché est solide et croît depuis 10-15 ans. L’exceptionnel, en matière de diamants et de pierres de couleur, atteint des sommets quand la qualité est rare et la provenance prestigieuse. Mais la dynamique s’étend aussi aux bijoux de 500 euros à 5 millions d’euros et le segment intermédiaire est lui aussi très disputé », observe Jean Ghika, directrice monde du département joaillerie de Bonhams.

Pièces anciennes, bijoux d’artisans de haut vol du XXe, Art déco (Suzanne Belperron, Jean Desprès), Art nouveau (René Lalique), modernistes (Georges Fouquet), années 1970 ou œuvres d’artistes contemporains, l’éventail est vaste. « Quand nous nous sommes lancés dans les bijoux en 2013, le goût du public français restait assez bourgeois. Les choses ont changé, notre clientèle s’est élargie », observe Théodora Blary-Liakopoulou, responsable du département bijoux de Piasa, qui a proposé le 12 mars 2020 une sélection de bracelets, pendentifs, broches et colliers d’artistes du XXe tels André Derain, François Morellet, Pol Bury ou Roberto Matta, reflétant la diversité des matériaux employés.

Ces œuvres d’art miniatures, aux estimations de 4 000 à 20 000 euros, rendent ainsi certains talents accessibles. On peut espérer s’offrir une broche Lalanne pour 2 000 euros, un pendentif Dalí pour 4 000 ou une petite compression de César pour 6 000. Les commandes des joailliers ont contribué à sensibiliser une plus large clientèle. Bulgari a ainsi demandé à Anish Kapoor de réinterpréter sa bague B.zero1 et Stella McCartney a sollicité Koons pour réduire à l’extrême son célèbre Rabbit. Et les expositions des musées comme « De Calder à Koons, bijoux d’artistes » en 2018 au MAD, « Le style et l’histoire Cartier » au Grand Palais en 2014 ou « Dior haute joaillerie » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 2018 ont renforcé l’engouement du public.

Plus de 220 maisons

À Paris, la spécialité « joaillerie et orfèvrerie » a progressé de 8 % l’an dernier selon le Conseil des ventes volontaires, avec un total de 146 millions d’euros. Une croissance tirée par Christie’s et Sotheby’s : leur produit adjugé a progressé de 75 % en raison de l’augmentation du nombre de lots vendus (+ 30 %) et de la qualité des biens proposés.

Mais le marché des bijoux étant à facettes multiples, il est aussi moins concentré que celui de l’art en général. Les dix premières maisons dans cette spécialité pèsent 41 % du montant des ventes. Outre l’habituel trio de tête (Christie’s, Sotheby’s et Artcurial), on trouve Drouot Estimations, Aguttes, Gros & Delettrez, Tajan, Ader, Beaussant-Lefèvre, et Millon & Associés.

Une vingtaine d’autres opérateurs réalisent des ventes de bijoux de 1 à 2,5 millions d’euros par an sur tout le territoire, comme l’Hôtel des ventes Nice Riviera, Bérard-Péron, Rossini, Enchères Pays de Loire, Thierry de Maigret, Pestel-Debord, Arcadia, Lille Métropole Enchères, Osenat, Besch Cannes Auction… Au total plus de 220 maisons ont une activité « joaillerie et orfèvrerie ». Même le Crédit municipal note « un intérêt évident » pour ses adjudications de bijoux et montres. L’an dernier, l’ex-Mont-de-piété a cédé pour 12,2 millions dans cette spécialité, en hausse de 8,5%, dont une bague en or jaune et diamant de 125 000 euros.

« C’est un marché à fort potentiel, notamment sur le digital, en particulier sur les bijoux de marques reconnues », prédit Carine Decroi, directrice de la communication et du marketing d’Artcurial, qui a elle-même étudié la gemmologie. « En ligne, on met déjà des bijoux de 1 500 à 15 000 livres », renchérit Jean Ghika, de Bonhams. Chez Christie’s Paris, où l’on se concentre sur les joailliers de la place Vendôme, on confirme que « les ventes en ligne attirent de plus en plus d’acheteurs ». Mais « les ventes de gré à gré ont elles aussi doublé en un an ».

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°733 du 1 avril 2020, avec le titre suivant : Marché des bijoux, le coup d’éclat !

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