Majorelle à foison

Tableaux orientalistes et art d’Orient à Paris

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2000 - 852 mots

Le marché des tableaux orientalistes se partage entre Londres et Paris où les enchères sont de plus en plus élevées comme en témoignent les deux records battus cette année et l’an passé par des œuvres de Majorelle et de Dinet. Deux vacations, l’une menée le 20 novembre par l’étude Gros & Delettrez avec notamment 18 Majorelle, l’autre les 14 et 15 novembre par l’étude Tajan permettront de voir si cette tendance se poursuit. Ces deux ventes comprennent aussi des livres, manuscrits et objets d’art d’Orient.

PARIS - Au mois de mai, une huile de Majorelle, Dans la palmeraie, montrant une jeune femme noire en train de se dévêtir, a été vendue 1,6 million de francs par l’étude Gros & Delettrez contre une estimation haute de 250 000 francs. Ce record mondial n’est pas passé inaperçu auprès des collectionneurs de tableaux orientalistes. Six mois plus tard, le 20 novembre, Me Henri Gros dirigera une vacation qui réunira pas moins de 18 Majorelle (huiles, gouaches, détrempes sur papier ou sur carton et dessins). Ses tableaux de nus étant parmi les plus prisés, nul doute que Les Deux Amies (200-300 000 francs), une très sensuelle gouache et encre de Chine rehaussée d’or, d’argent et de cuivre, montrant deux jeunes femmes dans leur plus simple appareil et La Récolte des dattes (technique mixte rehaussée d’or estimée 150-180 000 francs) qui fait également partie d’une série de tableaux de femmes noires nues, peints entre 1931 et 1935, devraient largement dépasser leurs estimations. Les vues de casbah, elles aussi très demandées tireront bien leur épingle du jeu comme La Casbah d’Anemiter (200-300 000 francs), détrempe sur carton, signée et datée 1950, montrant un village de terre rouge perdu au milieu des montagnes et Casbah de l’Atlas, une autre détrempe sur carton, estimée 150-200 000 francs. Se glisseront dans cet ensemble deux albums , Les Kasbah de l’Atlas, contenant respectivement 30 et 28 planches en quadrichromie rehaussées d’or et d’argent sur carton. Il est à espérer que l’arrivée sur le marché d’un ensemble important d’un même peintre ne casse pas le prix des œuvres moins prisées.

Au programme également une huile de Dinet, Le Djouak, du nom d’une petite flûte de roseau (800 000-1 million de francs) acquise par le grand-père du vendeur en 1913 à la galerie parisienne J. Allard. Une toile évoquant un sujet similaire, La Quesba – longue flûte de roseau – était partie, chez Gros & Delettrez en novembre 1999, à 1,5 million de francs, un record pour le peintre.

On remarquera aussi une grande huile d’Édouard Richter, Au harem, (1,5-2 millions de francs) fidèle à l’univers fantasmatique du peintre, peuplé de belles femmes languissantes, de danseuses, de musiciennes et de diseuses de bonne aventure. Un sujet qui a été également traité par Albert Aublet, peintre qui a travaillé avec Gérôme, dans ce Jardin du harem, présenté au Salon de la Société nationale des beaux-arts de Paris en 1911, peinte quelques années après l’acquisition, par le peintre, de l’ancien palais, le dâr ben Abdallah, qui servira de décor dans plusieurs de ses œuvres. Des tableaux de Roger Bezombes (Le Roi du Maroc, 250-300 000 francs), José Cruz Herrera (Le Prince, 400-600 000 francs) Fabius Brest (Sur les bords du Bosphore, 600-800 000 francs), Bernard Boutet de Monvel (Fez, 250-300 000 francs) complètent la vacation. Celle-ci comprend également des meubles et objets d’art islamique dont un nécessaire à raser au chiffre du sultan ottoman Abdul Hamid II (1876-1909) composé de 24 objets de toilette, d’un miroir ovale en ivoire, d’un plat à barbe en vermeil (500-600 000 francs). Des meubles, on retiendra un intérieur en bois de cèdre stuqué pour une chambre ottomane damascène de 1812, composé d’un double plafond et de quatre murs (500-700 000 francs), et des panneaux de boiseries ottomans également en bois de cèdre sculpté, doré et stuqué qui ornaient le salon d’une riche maison bourgeoise (600-800 000 francs).

Dinet, Fabbi et Roubtzoff
Jacques Tajan, assisté de Lucien Arcache, dispersera à Drouot, les 14 et 15 novembre, un ensemble de 150 tableaux orientalistes et de 300 objets d’art. Étienne Dinet sera représenté par Le Feu du bivouac (200-250 000 francs), une huile de 1890 identifiée par Koudir Benchikou, un des meilleurs spécialistes de l’œuvre du peintre. De Fabio Fabbi, peintre de l’Égypte versé dans les sujets féminins, on remarquera La Présentation des jeunes esclaves (350-400 000 francs), de Georges-Antoine Rochegrosse, La Nouvelle Robe, une scène de harem composée de quatre langoureuses Égyptiennes (250-300 000 francs). À noter aussi une grande toile d’Alexandre Roubtzoff montrant La Place Bab-Souika à Tunis et la Mosquée Sidi Mahrez.

La vente se poursuivra avec des livres et manuscrits dont un folio de Coran du IXe-Xe siècle en coufique or sur parchemin (100-120 000 francs) ; les textiles seront représentés notamment par un velours de Brousse ottoman du XVIIe siècle décoré en polychromie de seize “kiosques” ornés d’un vase fleuri de tulipes et églantines (150-200 000 francs), des céramiques comme ces deux carreaux llkhanides “lajvardina” du début du XIVe siècle en céramique au petit feu décorée sur glaçure bleu de cobalt, en blanc, rouge et or (60-70 000 francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°114 du 3 novembre 2000, avec le titre suivant : Majorelle à foison

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