Londres

Luton Hoo aux abois

Les héritiers du château de Quatre mariages et un enterrement aux prises avec des difficultés financières

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 1 mai 1995 - 594 mots

Les collections du château de Luton Hoo, dans le Bedfordshire, seront mises en vente par Sotheby’s à Londres, les 24 et 25 mai. Plus de quatre cents pièces rassemblées par Sir Julius Wernher et par son fils Harold seront dispersées pour rembourser des emprunts contractés par un héritier aujourd’hui décédé.

LONDRES - Même si, affirme-t-on chez Sotheby’s, un "grand nombre" d’œuvres du château de Luton Hoo, mises en vente les 24 et 25 mai, proviennent des appartements privés, la plupart des pièces importantes se trouvaient dans les parties du château ouvertes au public. La réouverture du bâtiment à Pâques, pour la saison estivale, a permis de constater les manques.

C’est le cas notamment de l’argenterie royale hanovrienne, estimée de 700 000 à 1 million de livres (5,4 à 7,7 millions de francs), qui se trouvait dans la salle à manger officielle ; du secrétaire en forme de mappemonde de Pitt, estimée entre 80 et 120 000 livres ; du mobilier de la suite royale, estimé 100 à 150 000 livres (770 000 à 1,15 million de francs), ainsi que du Bord de rivière boisé d’Hobbema, estimé également 100 à 150 000 livres.

La collection Wernher est, selon Sotheby’s, "une des plus prestigieuses collections privées jamais constituée en Angleterre." Elle a été commencée par Sir Julius Wernher (1850-1912), un magnat sud-africain du diamant qui a racheté Luton Hoo en 1903. Son fils Harold, héritier du château en 1912, a poursuivi la collection. Homme d’affaires, il a présidé Electrolux et Plessy et dirigé une chaîne d’hôtels de luxe aux Bermudes.

Le catalogue omet de préciser qu’après la mort de Sir Harold, en 1973, le domaine est passé entre les mains de son petit-fils, Nicholas Phillips. Celui-ci s’est lancé alors dans d’ambitieux projets d’aménagement du terrain. Il y a quatre ans, Nicholas Phillips a été retrouvé asphyxié dans sa voiture. L’enquête a conclu à un décès accidentel, mais la thèse du suicide, dû à des difficultés financières, n’est pas exclue. À la mort de l’héritier, deux banques ont exigé le remboursement des emprunts, qui s’élèvent à 21 millions de livres (162 millions de francs).

En août dernier, un règlement à l’amiable a été conclu pour un montant approchant, et trois personnes ont été chargées de prélever la somme sur le patrimoine : la veuve de Phillips, Lucy, son beau-frère le duc d’Abercorn et l’expert-comptable Kenneth Dent. D’après les estimations de Sotheby’s, la vente devrait rapporter 3 à 4 millions de livres (de 23 à 31 millions de francs).

La fondation qui gère l’ouverture de Luton Hoo au public connaît, elle aussi, des difficultés financières. L’an dernier, pour tenter d’enrayer ses pertes, elle a vendu pour 1,5 million de livres de porcelaines françaises chez Christie’s. Le dernier bilan de la fondation, présenté par les gérants en avril dernier, révèle que le nombre des visiteurs a légèrement baissé en 1993, avec 17 000 entrées. Certes, les revenus tirés des divers services et des tournages de films, dont celui de Quatre mariages et un enterrement, ont augmenté, atteignant 207 000 livres.

Cependant, en dépit d’une légère réduction des charges, la fondation affiche 227 000 livres de pertes. Des difficultés qui devraient s’accroître encore lorsqu’il faudra entreprendre la rénovation du château. Les bilans évaluent à 5,3 millions de livres (41 millions de francs) l’ensemble des collections de la fondation, mais le chiffre réel est sans doute beaucoup plus élevé. En 1992, par exemple, la vente d’une Claude Lorrain et d’une commode française ont rapporté 820 000 livres, alors que la fondation avait estimé les deux pièces à 64 000 livres seulement.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : Luton Hoo aux abois

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