Lorenzo Rudolph : Vers un Maastricht américain

Entretien avec Lorenzo Rudolph, directeur de l’IFAE

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 10 octobre 2003 - 993 mots

Ancien mentor de la foire Art Basel, le Suisse Lorenzo Rudolf a rejoint en février la direction de l’International Fine Art Expositions (IFAE) après avoir été en charge durant trois ans de la Foire du livre de Francfort. L’organisateur souhaite insuffler une nouvelle dynamique en réorganisant les salons existants sur la base de concepts et de labels clairement identifiables, susceptibles de s’exporter.

Quelles orientations comptez-vous donner aux foires de l’IFAE ?
Lorsque je suis arrivé, le groupe possédait trois foires à Palm Beach et une à New York. À Palm Beach, il y avait un salon d’antiquaires, un salon d’art contemporain de médiocre qualité et un troisième pour les objets tridimensionnels qui n’était pas très bon non plus. En premier lieu, j’ai réorganisé les foires et lancé les concepts de “Palm Beach Contemporary”, pour les œuvres modernes, l’art contemporain classique et le design, et “Palm Beach Classic”, pour les antiquités et les objets d’art. J’ai aussi reporté à 2004 l’édition de la foire de New York prévue cet automne, car la situation n’était pas propice.

Vos salons de Palm Beach coexistent avec une multitude de foires de moyenne gamme. Ne craignez-vous pas une confusion ?
Mon travail sera effectivement de reconstruire la confiance vis-à-vis de nos salons et d’attirer plus d’exposants surtout dans le domaine contemporain. Il y a de la place à Palm Beach pour deux salons forts. En ce moment, de plus en plus de gens souhaitent que nous développions en Floride des événements haut de gamme. De son côté, le Norton Museum of Art, qui ne possède pas de collection intéressante sur le plan contemporain, tente de trouver une dynamique plus professionnelle dans l’organisation de ses expositions. L’ancien galeriste parisien Gilbert Brownstone a aussi donné sa collection au Musée de Palm Beach. Les choses bougent.

Quelles relations auront Palm Beach Contemporary et Art Basel Miami Beach ?
Art Basel Miami Beach a eu beaucoup de succès surtout pour les galeries d’art contemporain, moins pour le moderne. Les galeries modernes peuvent participer aux deux foires si elles le souhaitent. L’IFAE leur proposera un seul transport et un stockage entre les deux salons. Nous voulons développer le sens du service. Par ailleurs, il existe davantage de collectionneurs à Palm Beach qu’à Miami Beach. Ceux qui ont acheté à Art Basel Miami Beach viennent principalement de Palm Beach.

Le New York Fall Fair, initié en 2002 par l’IFAE, empiète sur le terrain du Fine Art and Antique Dealers Show, organisé par Ana et Brian Haughton. Ces derniers bénéficient du bâtiment très central de l’Armory et de la fidélité de grands marchands français. Le Jacob Javits Center, où se tiendra en 2004 la deuxième édition du Fall Fair, semble peu propice à drainer autant de visiteurs que l’Armory. Serez-vous compétitif ?
New York est la place la plus difficile pour faire un salon haut de gamme. Il est vrai que les Haughton ont fidélisé quelques marchands et qu’ils jouissent de l’Armory. Mais ce bâtiment est trop petit. Avec un stand de 30 m2, les grands marchands ne peuvent déployer correctement leurs objets. Il existe aussi beaucoup trop de salons culturels à l’Armory. Certains New-Yorkais commencent à se lasser et ne fréquentent plus cet espace. Le Javits Center est le seul bâtiment de grandes dimensions qui puisse accueillir un vrai salon international à New York. Il faudra qu’on développe beaucoup de services autour du salon, notamment pour pallier les problèmes de trafic. De toutes manières, on ne doit pas être en lutte mais en synergie avec les Haughton. J’accepterai de me mettre autour de la table pour discuter. Le salon que j’ambitionne serait le contrepoint américain de Maastricht. Nous allons affiner la qualité sur tous les segments. Un des points forts de notre réflexion se situe autour de nouvelles idées de présentation. Il serait intéressant qu’un beau cheval chinois cohabite avec un Marino Marini.

Comptez-vous travailler avec des décorateurs, voire adapter aux antiquaires le concept d’Art Unlimited, section d’Art Basel où les installations coexistent sans les cloisons traditionnelles des stands ?
Il est certain qu’on travaillera avec des décorateurs. L’idée d’Art Unlimited ne peut être appliquée telle quelle aux antiquaires, mais il faut emprunter de nouveaux chemins et ne pas cloisonner les marchands. Un marchand d’art précolombien peut apprécier le voisinage d’une galerie d’art moderne. Pour New York, le principe des ghettos de Maastricht n’est pas envisageable.

Pendant longtemps, il était de bon ton pour les Américains d’acheter en Europe plutôt qu’aux États-Unis. Est-ce que leurs habitudes de voyage ont suffisamment changé pour qu’un salon de haut niveau soit nécessaire et viable outre-Atlantique ?
En ce moment, les Américains ne voyagent pas beaucoup, mais cela va sans doute changer. Cependant, certains pans entiers du marché sont concentrés aux États-Unis, notamment les tableaux et dessins anciens. Les Européens doivent être présents aux États-Unis et ne pas attendre que les Américains viennent à eux. Le premier pas avant l’ouverture éventuelle d’une galerie aux États-Unis, c’est d’établir le contact en participant aux foires.

Exporterez-vous vos concepts “Classic” et “Contemporary” ?
Aux États-Unis, nous réfléchissons à la possibilité d’un salon à Aspen (Colorado). On envisage aussi des expériences à Shanghai et à Moscou. À Moscou, il faut un organisateur en qui les exposants aient confiance. Les structures de la ville sont difficiles, il faut être prudent. J’ai de bonnes relations avec le gouvernement russe. Les prochains projets devraient se mettre en place d’ici deux à trois ans. Mais pour l’instant, il faut cultiver notre jardin. Plus vite les salons actuels seront fortifiés, plus vite on pourra aller ailleurs.

Comment juge-t-on aux États-Unis le duel parisien entre le Salon du collectionneur et le Pavillon des antiquaires ?
On ne peut pas comprendre si on n’est pas Parisien. Ce n’est pas bon pour l’image de Paris. La Biennale est une carte de visite exceptionnelle et ce qui s’est passé en septembre est bien dommage.

- Palm Beach Contemporary, du 8 au 13 janvier 2004 ; - Palm Beach Classic, du 29 janvier au 8 février 2004.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°178 du 10 octobre 2003, avec le titre suivant : Lorenzo Rudolph : Vers un Maastricht américain

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque