L’or vert des Maoris

Par Armelle Malvoisin · L'ŒIL

Le 18 mai 2011 - 559 mots

Les Maoris réservaient les objets en jade à l’usage des personnes de haut rang. Aujourd’hui les collectionneurs se les arrachent. Il y en a de toutes sortes.

Dès 1642, le navigateur néerlandais Abel Tasman découvrit une partie des côtes ouest de la Nouvelle-Zélande. Mais c’est le Britannique James Cook atteignant la terre néo-zélandaise en 1769, qui en a étudié les habitants, les Maoris, avec précision. 
Extrait de l’île du Sud, le jade vert (néphrite) était utilisé comme ornement par les Maoris. Les objets en néphrite étaient exclusivement réservés à une élite, ce qui en font des pièces de collection très recherchées. Fréquemment incrusté de nacre au niveau des yeux, le hei tiki grimaçant est devenu une icône de l’art océanien. « Hei » signifie pendentif et « tiki » est une représentation humaine mythique, sans doute la figure d’un ancêtre. Il en existe une grande variété que les amateurs aiment chiner, à partir de 8 000 euros jusqu’au prix record de 372 750 euros pour un spécimen de taille exceptionnelle (17,5 cm) en 2010 à Paris chez Sotheby’s. Ces pendentifs en néphrite mesurent généralement entre 5 et 13 cm, très rarement au-delà. À quelques rares exceptions, ces petites sculptures sont mono-faces. On observe des familles stylistiques à tête triangulaire et à tête en forme de poire. 

Parmi les variantes iconographiques, on trouve un grand nombre de hei tiki asexués, mais aussi des représentations féminines ou masculines. Certains ont la bouche ouverte d’où sort une langue fourchue, signifiant un droit à la parole. On dit des autres qu’ils sont muets. Il y a des versions avec ou sans boucle d’oreille. Les mains des tiki sont posées sur les cuisses, sur le ventre, ou bien une main sur la cuisse et l’autre sur le ventre. On voit plus rarement des tiki avec une main orientée vers la bouche. Les pièces les plus anciennes ont parfois trois ou quatre doigts à chaque main.
À côtés des hei tiki, il existe toute une famille d’objets en jade à collectionner  : pendants d’oreilles et pendentifs de différentes formes, anneaux à perroquets, herminettes et massues courtes. La prouesse du sculpteur et la qualité du jade influent beaucoup sur la valeur de ces objets. Les objets pré-contact, datant de la période Te Puawaitanga (1500 - 1800), sont les plus prisés. Certaines formes très archaïques attestent de cette ancienneté. Ce marché connaît en outre une multiplication de faux depuis quelques années…

« Hei tiki », une icône de l’art océanien

Les hei tiki sont des objets maoris très prisés. Compte tenu de leur valeur croissante sur le marché (de 10 000 à 350 000 euros), les faux existent. Avant toute acquisition, il faut s’assurer de leur authenticité auprès des spécialistes. Ce hei tiki archaïque est un rare exemplaire datant de l’époque « pré-contact ». Sa tête triangulaire, posée bassement sur les épaules, penche vers la gauche. Il se distingue par une asymétrie des yeux : le droit forme un large trou qui n’est pas celui utilisé pour porter ce pendentif, puisque le sculpteur a prévu un autre trou de suspension pour le passage d’un cordon. Peut-être figure-t-il un tiki borgne. Sa bouche est classiquement grimaçante, avec une langue pointue. Le corps montre un torse proéminent, de petits bras musclés avec des mains stylisées posées sur les cuisses. Les jambes sont classiquement arquées avec des pieds se rejoignant.

Collection privée européenne, exposée jusqu’au 18 septembre au musée ethnographique de Leiden (Pays-Bas) à l’occasion de l’exposition « Mana Maori ».

Œuvres d’art portables
Les hei tiki ne sont pas les seuls pendentifs maoris en jade. Il en existe d’autres formes, moins courantes, comme le hei matau en forme de hameçon ou le hei toki en forme d’herminette. Le koropepe est un ornement spiralé, sorte de serpent stylisé. Il existe de rarissimes pendants d’oreille en jade sculpté en forme de dent de requin. On trouve aussi des pendentifs manaia, espèce d’homme-oiseau qui relie le monde des ancêtres à celui des vivants. Ce pekapeka est un ornement figurant une deux têtes de manaia (une à chaque extrémité). Son ancienne propriétaire qui avait fait monter une boucle en or dans le trou percé, portait très souvent ce pendentif. Quand un objet de vitrine (re)devient un bijou unique et original !

Pendentif pekapeka maori, en néphrite, Nouvelle-Zélande, XVIIIe-XIXe siècle. Dimensions : 7 x 4 cm. Provenance : ancienne collection suisse Mr et Mme Roth-Williams.

Prix : 15 000 à 20 000 euros, galerie Meyer, Paris.

Aux armes : « Patu pounamou »
Chez les Maoris, les armes sont aussi des insignes de prestige. D’une longueur moyenne de 36 cm, les massues courtes et plates, de forme ovale et aux bords tranchants (patu), en néphrite (pounamou qui signifie « trésor vert »), étaient réservées à l’usage exclusif des chefs. Les patu pounamou étaient utilisés comme des petites épées en combat rapproché, pour fendre le crâne des ennemis. Le manche troué permettait le passage d’un lien qui était attaché au poignet des guerriers, afin de leur éviter de se retrouver désarmés en pleine action. La valeur d’une patu pounamou dépend de la qualité du jade (sa couleur, sa transparence et sa marbrure), de la pureté de sa forme, de son ancienneté attestée et de son état de conservation (poli uniforme, sans éclat ou défaut de surface). Celle-ci possède de belles nuances marbrées.

Massue courte (patu pounamou) maorie, en néphrite, Nouvelle-Zélande. Longueur : 39,5 cm. Provenance : ancienne coll. Jacob Epstein (1880-1959), Londres.

Adjugé 12 500 euros, le 16 juin 2010, Sotheby’s, Paris.

Les pendentifs d’oreille (« kuru »)
Chez les Maoris, les principaux ornements d’oreille sont de longs pendants en jade appelés kuru, portés sur une seule oreille. La grande majorité d’entre eux ont une pure forme droite. Le pendant d’oreille tautau est légèrement recourbé à son extrémité. Sous cette forme (avec un bout incurvé), il était utilisé comme strigile pour essuyer la transpiration du visage et du corps. Celui-ci, en jade très finement marbré, se distingue par sa taille exceptionnelle (31,5 cm). Il provient d’une ancienne collection et a été conservé dans une boîte sur laquelle une petite plaque métallique précise qu’il a été « sculpté par le chef maori Parah Taranaki de Nouvelle Zélande » et est considéré comme « le plus beau spécimen existant ramené en 1888 ». D’après des spécialistes, il daterait probablement du XVIIIe siècle.

Pendentif d’oreille (kuru), maori, en néphrite, Nouvelle-Zélande. Longueur : 31,5 cm. Provenance : ancienne collection Jacob Epstein (1880-1959), Londres.

Adjugé 29 550 euros, le 16 juin 2010, Sotheby’s, Paris.


Où acheter de l’art maori

Galerie Meyer, 17, rue des Beaux-Arts, Paris VIe, tél. 01 43 54 85 74, www.galerie-meyer-oceanic-art.com

Voyageurs et curieux, 2, rue Visconti, Paris VIe, tél. 01 43 26 14 58, www.voyageursetcurieux.com

Sotheby’s, 76, rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris VIIIe, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°636 du 1 juin 2011, avec le titre suivant : L’or vert des Maoris

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