Foire

Londres défrise

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 6 octobre 2006 - 476 mots

Organisée du 12 au 15 octobre, Frieze Art Fair reste égale à elle-même.

 LONDRES - En invitant à ses tables rondes le philosophe Jean Baudrillard, l’un des plus célèbres contempteurs de l’art contemporain, la Foire Frieze Art Fair à Londres donne une verge pour se faire battre. Rappelons que dans une tribune publiée en 1996 dans Libération, Baudrillard écrivait : « Toute la duplicité de l’art contemporain est là : revendiquer la nullité, l’insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu’on est déjà nul. Viser le non-sens alors qu’on est déjà insignifiant » et de rajouter : « comment une telle machine peut-elle continuer de fonctionner dans la désillusion critique et dans la frénésie commerciale ? » Or de la frénésie, cette foire en a tous les tics, jusqu’à la caricature. Alors impudence ou imprudence ? Frieze s’estime sans doute intouchable. Les organisateurs se prétendent au contraire candides ! « Ce qui est important, c’est qu’on parle d’art », défend Amanda Sharp, codirectrice de l’événement. 
Les œuvres commandées cette année par Frieze, comme les nano-sculptures de Loris Gréaud ou le jeu sur l’invisible de Mike Nelson passent quasiment inaperçues. Même si le catalogue de la Foire privilégie les créateurs plutôt que leurs diffuseurs, le commerce reste le nerf de la guerre. De fait, les galeries britanniques, allemandes et américaines, issues des places fortes du marché, raflent les deux tiers des stands. « Frieze est un endroit pour faire des affaires, de manière peut-être plus agressive qu’ailleurs », concède Chantal Crousel (Paris). La galeriste profite de l’exposition de Gabriel Orozco dans les nouveaux espaces de White Cube (Londres) pour présenter une pièce monumentale baptisée The Inner Circles of the Wall. Malgré l’absence d’Anne de Villepoix (Paris) ou de Pietro Sparta (Chagny), les exposants français de la première heure comme Nathalie Obadia (Paris), Air de Paris (Paris), Almine Rech (Paris) ou Emmanuel Perrotin (Paris-Miami) restent en lice. La stratégie préside à tous les stands. Après avoir montré l’Indien Subodh Gupta en 2005, Art & Public (Genève) orchestre un one-man show de l’artiste chinois Zhou Tiehai. Obadia mise pour sa part sur ses plus jeunes poulains comme Reena Banerjee, ou ses stars montantes telle Cameron Jamie. Yvon Lambert (Paris- New York) marque son territoire avec ses nouveaux artistes, Richard Jackson et Walter Dahl. De son côté, Art : Concept (Paris) se partage entre un pan cérébral et un autre pictural. Avec pour mot d’ordre la clarté. Car, pour les galeries françaises qui passent à Frieze le grand oral pour Bâle, les copies doivent être parfaitement lisibles !

Frieze Art Fair

12-15 octobre, Regent’s Park, Londres, tél. 44 207 833 7270, www.friezeartfair.com, tlj 11h-19h, le 15 11h-18h - Directeurs : Amanda Sharp et Matthew Slotover - Nombre de galeries : 141 - Tarif des stands : 210 livres sterling (310,7 euros) le m2 - Nombre de visiteurs en 2005 : 47 000

Les collectionneurs britanniques aidés par des prêts

Le nombre de collectionneurs britanniques semble avoir progressé ces dernières années. « Les collections ont longtemps été à l’image de la ville, domestiques, bourgeoises. Elles ont changé, comme Londres a changé », indique François Chantala, de la galerie Thomas Dane (Londres). Derrière Charles Saatchi et Frank Cohen, d’autres sortent du bois comme Janet de Botton, donatrice de la Tate, ou Poju et Anita Zabludowicz, patrons (mécènes) de la Serpentine Gallery. Les entreprises leur emboîtent le pas. C’est le cas des Crandford et Monsoon Collections, initiées respectivement en 1999 et 2000. De son côté, Outset Contemporary Art Fund, l’association de collectionneurs lancée en 2003 par Yana Peel et Candida Gertler, compte aujourd’hui près de 100 adhérents contre 12 au début. Elle a notamment lancé sur Frieze le fonds d’acquisition pour la Tate de 150 000 livres sterling (222 390 euros). Encore faut-il aujourd’hui appâter des petits collectionneurs. Pour cela, le British Council a lancé en avril 2004 l’opération « Own Art ». Le principe est simple : un amateur demande à la banque HFC un prêt sans intérêt de 100 à 2 000 livres sterling (148 à 2 965 euros) pour l’achat d’une œuvre dans le réseau des galeries labellisées « Own Art ». Celui-ci compte à ce jour 323 enseignes britanniques. Certaines, comme Sorcha Dallas et Dicksmith, exposent même sur Frieze. En deux ans, près de 5 546 prêts ont été consentis pour un total de 4,4 millions de livres sterling (6,5 millions d’euros). Sur cette lancée, le British Council a publié un vade-mecum baptisé « Owning Art : The Contemporary Art Collector’s Handbook », par Louisa Buck et Judith Greer, en vente sur Frieze. Deux initiatives dont la France ferait bien de s’inspirer.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°244 du 6 octobre 2006, avec le titre suivant : Londres défrise

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