Loin derrière New York

L’art contemporain a toujours du mal à s’imposer à Paris

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 12 mai 2000 - 836 mots

Malgré les quelques fortes enchères qui ont émaillé, depuis un an, les ventes françaises d’art contemporain, Paris demeure ici aussi à la traîne par rapport à New York. En témoignent le produit peu élevé des ventes spécialisées et la difficulté des jeunes artistes français à s’imposer sur leur propre sol.

PARIS - Les grandes ventes new-yorkaises de novembre avaient connu un véritable boom, soulignant la vigueur du marché de l’art contemporain aux États-Unis : plus de 18 millions de dollars de produit chez Christie’s, 70 millions chez Sotheby’s et une pluie de records (26 en trois jours), certains allant à des œuvres de jeunes artistes comme Jeff Koons (10,9 millions de francs pour la Pink Panther) et Damien Hirst (2,1 millions de francs pour My way). Les vacations des 16, 17 et 18 mai à New York devraient apporter leurs lots de nouvelles surprises. Sotheby’s présentera une collection d’œuvres d’artistes américains des années soixante, dont une toile de Brice Marden de 1971, Rain forest (1,5-2 millions de dollars), et une pièce de Carl Andre de 1969, Aluminium and Magnesium Alloy Square (300-400 000 dollars). Christie’s mettra en vente un Basquiat de 1985, Glenn (600-800 000 dollars), une toile de Sigmar Polke de 1988, Nackte (600-800 000 dollars), ainsi que des pièces de Charles Ray, Boy (600-800 000 dollars), et de Marc Newson.

Absence de marché intérieur
La France reste à l’écart de ces fortes estimations et enchères, comme le montre le produit généralement peu élevé des ventes organisées à Paris par les commissaires-priseurs les plus actifs dans cette spécialité. La dernière grande vacation de l’étude Briest à Drouot Montaigne, le 15 décembre, a approché les 11 millions de francs. François Tajan monte deux ventes par an, qui réalisent en moyenne un produit de 3 à 5 millions de francs, contre 1 million de francs pour l’étude Cornette de Saint-Cyr. “Le problème de la France tient à l’absence de marché intérieur. Il y a moins de collectionneurs que dans un petit pays comme la Belgique”, note Pierre Cornette de Saint-Cyr.

Notre pays souffre aussi du droit de suite et de la taxe sur les plus-values qui incitent les collectionneurs à vendre à l’étranger. Certains déplorent aussi l’insuffisante promotion de nos artistes en dehors de l’Hexagone. Les Français, qui n’ont que rarement une stature internationale, sont les parents pauvres de ces ventes. En décembre, chez Me Briest, les plus fortes enchères sont toutes allées à des artistes étrangers : Jean-Michel Basquiat (2,7 millions de francs pour un collage de photocopies sur toile de 1985) et Miguel Barceló (In Extremis IV, 1994, 1,5 million de francs) en tête, les Français, même les plus célèbres – Raynaud et Viallat –, ne dépassant pas la barre des 80 000 francs. Une grande œuvre sur bois de Buren a, elle, été ravalée. “On est loin des centaines de milliers de dollars obtenus par les artistes américains. Le somptueux Raymond Hains que je présentais aurait dû obtenir plus que 180 000 francs. Il est dommage que les Français ne soutiennent pas leurs artistes,” remarque Martin Guesnet, de l’étude Briest.

De nouveaux collectionneurs
Pour sa part, Pierre Cornette de Saint-Cyr estime qu’il n’est pas normal que des pièces de Damien Hirst se négocient 400 000 dollars alors que des œuvres de Daniel Buren et Jean-Pierre Raynaud partent à 10 000 dollars, que celles de Combas ne dépassent pas 150 à 200 000 francs tandis que les Barceló se négocient entre 1,5 et 2 millions de francs. “Nous souffrons de ne pas avoir l’équivalent d’un Saatchi en France. Nos artistes doivent se débrouiller tout seuls. Notre mécanique intérieure est morose et les Frac ont stérilisé le marché français. Il s’est créé une sorte de marché artificiel où les artistes cherchent davantage à faire leur promotion auprès des Frac qu’auprès des galeries et musées étrangers.”

Ces professionnels s’accordent cependant à voir des signes d’espoir depuis un an ou deux. “La reprise du marché se traduit par un pourcentage plus important de tableaux vendus et par un accroissement du nombre des collectionneurs qui permet de densifier le marché, de le muscler, souligne François Tajan. La cote de certains artistes français redémarre. Ainsi de  Robert Combas, qui atteint à nouveau 150-200 000 francs, ou de Gérard Garouste qui se vend assez bien. On trouve aussi des dessins de Jean-Charles Blais autour de 20 000 francs. L’art contemporain a de beaux jours devant lui.”

En mai et juin à Paris

Plusieurs ventes d’art contemporain se tiendront au mois de mai et juin à Paris. La première, conduite par Pierre Cornette de Saint-Cyr, aura lieu le 22 mai à Drouot Richelieu. François Tajan organise, le 23 mai à l’Espace Tajan, une vacation comprenant des œuvres de Basquiat, Soulages, Hantaï, Lanskoy et trois huiles de Djamel Tatah. Francis Briest proposera aux enchères, le 7 juin à Drouot Montaigne, quelques œuvres importantes, dont un Hans Hartung (T 1947-26B, 1,5-2 millions de francs), un Miguel Barceló (La Flaque n° 2, 1,5-2 millions de francs) et un Jean Dubuffet (Paysage au sol, 1957, 1,2-1,5 million de francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°105 du 12 mai 2000, avec le titre suivant : Loin derrière New York

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