Photographie

L’objet photographique

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 13 avril 2017 - 911 mots

Les galeries défendant des artistes qui travaillent la photographie comme un matériau sont encore peu nombreuses sur le marché, malgré une création pourtant particulièrement vivace.

COLLECTIONNER - Chaque époque de l’histoire de la photographie, et plus largement de l’histoire de l’art de ces cinquante dernières années, a connu son lot de photographes et d’artistes conduits par le besoin de dépasser les notions de représentation et de la simple surface du tirage, attirés qu’ils ont été, et qu’ils sont, par le potentiel pictural, abstrait ou sculptural du médium considéré à cet égard par ces auteurs davantage comme un matériau que comme une fin. Ces vingt dernières années, la transformation de l’image photographique en objet photographique doté de relief perturbant la perception a mobilisé, et mobilise, des artistes aussi différents que Liz Deschenes, Kelley Walker ou Seth Price, si l’on se réfère à ceux retenus par Jan Dibbets dans sa relecture de l’histoire de la photographie au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en 2016 (« La boîte de Pandore »). Deux ans auparavant, « À l’envers, à l’endroit… », au Centre photographique d’Île-de-France à Pontault-Combault, avait rassemblé un panel d’auteurs plus large, plus liés surtout à la création hexagonale. Pascal Convert, Clara Strand, Juliana Borinski, Marina Gadonneix, Constance Nouvel ou Isabelle Le Minh, pour ne citer qu’eux, ne cessent de fait de retourner, de déplacer les processus, les procédures et les attitudes admises de la production d’image. L’évolution rapide et constante des techniques, des technologies et du numérique vient en appui de leur démarche conceptuelle et formelle invariablement complexe et élaborée, autant dans la capture de l’image que dans le résultat final de la pièce, souvent unique. En France comme ailleurs, ce mouvement reste cependant à la marge de la programmation des institutions photo et encore plus des foires dédiées. La représentation de ces artistes à Paris Photo ou à Photo London demeure négligeable et les enseignes s’engageant sur le registre tout aussi peu nombreuses. À Londres, elles se comptent à peine sur les cinq doigts de la main.

Questions à… Christophe Gaillard

N’avez-vous pas l’impression d’être encore peu nombreux à représenter la création de Rachel de Joode, Kate Steciw ou Letha Wilson ?
Il est évident que les collectionneurs qui fréquentent les foires photo ont pour l’instant une approche classique du médium. Si les professionnels s’y intéressent, les acheteurs regardent encore peu ces artistes. C’est un travail qui se vend mieux dans une foire d’art contemporain comme la Fiac, bien que je ne fasse pas de différence entre photographie et art contemporain.

Les acheteurs de Paris Photo sont-ils à cet égard plus avertis que ceux de Photo London ?
Pas beaucoup plus. Quand j’ai présenté en 2015, à Paris Photo, Rachel de Joode, Hannah Whitaker et Letha Wilson, l’intérêt au niveau des curateurs a été unanime, mais avec le public cela a été plus compliqué. À Amsterdam, Unseen, la foire photo organisée par Foam essaie bien de son côté de la mettre en avant, mais avec plus ou moins de succès.

Quel est l’artiste dans cette nouvelle photographie que vous rêveriez de représenter ?
Lucas Samaras dans les « anciens », car, justement, il a été dès les années 1970 dans cette problématique de photographie sculpture, et Jon Rafman pour citer un jeune.

1 - Michael Jackson 2 300 €
À la différence du photogramme qui peut faire intervenir des objets ou autres accessoires comme chez Man Ray, la composition du luminogramme naît uniquement à partir des mouvements des faisceaux et des intensités de lumière que le photographe britannique Michael Jackson (1966) inscrit sur une feuille de papier sensible placée dans une chambre noire. Des jeux de lumière créateurs dans cette série d’un étonnant jonglage de balles et de formes magiques dans l’espace.

2 - Rachel de Joode 7 000 €
« La photographie libère l’objet de son corps matériel », estime l’artiste néerlandaise qui vit et travaille à Berlin. À partir d'une photographie d’argile, elle crée une étrange sculpture, sorte d’assemblage de morceaux de corps, de chairs non identifiés, et non identifiables, qui forment un curieux écorché à l’équilibre plus qu’incertain. Une pièce qui, à l’instar des autres de plus grand format, exprime le jeu auquel aime se prêter Rachel de Joode (1979), celui du trouble, de la métamorphose non sans humour.

3 - Woody Vasulka 6 548 €
Woody et Steina Vasulka comptent parmi les pionniers de l’art électronique. À partir des années 1975, chacun a commencé à suivre son propre chemin, y compris dans la création vidéo et dans leur recherche de figuration du son en image. La série Études de formes d’ondes de Woody Vasulka s’inscrit dans ses expériences d’images électroniques menées depuis 1968 à partir de synthétiseurs, oscillateurs et moniteurs. Issue d’appareils mis au point avec Jeffrey Schier générant des images tirées d’un algorithme reconverti en signal analogique, cette forme sculpturale crée l’illusion de la 3D et du mouvement dans l’espace [le prix de l’œuvre est donné à titre indicatif par le site Artspace.com, la galerie se refusant de le communiquer].

4 - Liz Nielsen 15 000 €
Les photogrammes de l’Américaine Liz Nielsen (1975) donnent naissance à des compositions ou paysages abstraits aux superpositions ou enchevêtrements de formes et de tons acidulés aux allures d’illuminations au sens rimbaldien du terme. Des pièces uniques qu’elle crée à partir d’une superposition de papiers photosensibles de différentes dimensions qu’elle recouvre de gels colorés avant de les placer dans une chambre noire et de les éclairer à partir de différentes sources lumineuses : lampe de poche, de vélo, de portable…

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°701 du 1 mai 2017, avec le titre suivant : L’objet photographique

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