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Carrousel du Louvre

L’heure des comptes

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 8 octobre 2004 - 1042 mots

Organisée du 15 au 28 septembre, la Biennale des antiquaires se solde par un bilan globalement positif.

PARIS - Résolument plus glamour qu’il y a deux ans, la Biennale des antiquaires tourne le dos à la crise. Lentes, voire inexistantes, entre un dîner de gala international et un vernissage très français, les transactions ont repris du poil la bête au fil de la manifestation grâce à la clientèle européenne. « Il y a deux ans, les gens étaient là en touristes. On sent plus de détermination cette année », souligne l’antiquaire parisienne Ariane Dandois. Malgré un calendrier entrecoupé par deux fêtes juives, les Américains étaient de retour sans pour autant délier leurs bourses. Même si l’heure est à un optimisme proche de la méthode Coué, les réjouissances comptables sont encore prématurées. « J’ai fait des ventes, mais elles restent virtuelles car je n’ai encore reçu aucun chèque », confie le marchand d’art africain Bernard Dulon (Paris). La frontière entre objets « vendus » et « réservés » est des plus poreuses et les échanges inévitablement dilatés dans le temps. Il faut dire que les sommes en jeu sont souvent bien « frappées ».

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Damant le pion à la sinistrose ambiante, les marchands s’étaient donné le mot pour renouer avec les fastes du temps du Grand Palais. Les ensembles les plus somptueux, comme les magnifiques boiseries de l’Hôtel du Bois de l’Étang chez les Steinitz (Paris), les menus plaisirs de Mongolie intérieure sur le stand de Christian Deydier (Paris) ou encore le brassage éclectique de François Fabius (Paris) ne masquaient pas les coquilles vides et les nombreuses redites. Un constat qui n’émeut pas l’imperturbable Konrad Bernheimer (Munich). Celui-ci estime que « seuls 5 à 10 % des clients internationaux visitent tous les salons. Il y a peu d’achats spontanés et les visiteurs doivent voir une première fois un tableau à Maastricht, puis à la Biennale ou ailleurs avant de se décider ». Aucune grosse vente n’est d’ailleurs à relever côté tableaux anciens malgré la présence de petites merveilles comme le Bramantino inédit de la galerie Sarti (Paris). Le Cranach présenté par Bob Haboldt (Paris) à Maastricht puis à la Biennale aurait-il besoin d’une autre halte pour déclencher les réflexes d’achat ?
La plupart des marchands spécialisés dans le XVIIIe siècle ont loupé le coche en se cramponnant à un total look qui ne fait plus mouche. Ils se réjouissaient pourtant d’avoir revu une clientèle inespérée et avaient distribué de grandes brassées de dossiers. La galerie Aveline-Rossi (Paris) confiait avoir négocié avec de nouveaux clients italiens, tandis que Benjamin Steinitz tirait un bilan positif, sans pour autant pointer de ventes. L’art du XIXe siècle sort victorieux, mais sur des petits montants. François Fabius (Paris) a cédé au Musée Rodin le Vase aux Titans modelé par Auguste Rodin (120 000 euros). Il a aussi avoué l’intérêt du Russe Victor Baturin, le beau-frère du maire de Moscou, pour sa paire de vases de Sèvres (1,2 million d’euros). Le décor breveté de Roxane Rodriguez (Paris) vogue vers le Japon, tandis que son meuble d’Édouard Lièvre est toujours en négociation. Les arts décoratifs du XXe siècle, dont on avait vanté l’arrivée conquérante, avaient quelque chose de sage. Les affaires y sont pourtant allées bon train. L’ensemble d’Armand-Albert Rateau, présenté par la Galerie Vallois (Paris), devrait se répartir entre trois collectionneurs. De son côté, L’Arc en Seine (Paris) a cédé la paire de cabinets de Ruhlmann qu’elle proposait pour 2 millions d’euros. Lee Mindel, du cabinet d’architectes américain Shelton Mindel, a décroché chez Down Town (Paris) la table de forme libre de Charlotte Perriand. L’imposante bibliothèque (1 million d’euros) est quant à elle réservée. Yves Gastou (Paris) a changé deux fois l’agencement d’un stand très seventies au gré de ses ventes. Le décorateur Thierry Despont emportait notamment une paire de sièges néoclassiques d’Arbus pour un chantier new-yorkais. Drapé d’un vert redoutable, le stand de Jan Krugier, Dietesheim & Cie (Genève) affichait plusieurs beaux Soutine, vite envolés, et une pléiade de Courbet assez fades. Présentée pour 10 millions d’euros, La Bohémienne et ses enfants se voyait réservée lors de la seconde semaine. Hopkins-Custot (Paris) a enfin vendu à un amateur américain son superbe mobile de Calder (3,5 millions de dollars), dont le seul défaut était d’être repeint. Le grand Bacon ne serait que réservé, comprenne qui voudra… En père fouettard, le président du Syndicat national des antiquaires, (SNA) Christian Deydier, a distribué bons et mauvais points aux exposants en fin de Biennale. Sept à huit marchands risquent ainsi de ne pas revenir, à moins d’améliorer leurs stocks.
Le pays des antiquaires n’étant pas celui de Candide, l’éphéméride du Salon a été ponctuée d’escarmouches. Outre la querelle entre vraies et fausses boiseries, le voyage d’une centaine de trustees et décorateurs américains, financé à hauteur de 140 000 euros par le SNA, a jeté de l’huile sur le feu des dissensions. Un séjour cornaqué par une poignée de marchands et dont l’intérêt reste encore à prouver.
Un salon en appelant un autre, deux nouveaux événements ont fait leur coming out pendant la Biennale. Le premier se tiendra à Londres en juin 2005, sous la houlette de Lorenzo Rudolf, le second à Bruxelles en novembre prochain sous la férule de Georges De Jonckheere. Palm Beach ! continue d’affûter sa liste avec un net sursaut qualitatif. Les marchands ont définitivement choisi le camp des salons sur celui des expositions en galeries.

Un butin record

Comme tous les salons, la Biennale des antiquaires connaît chaque année son lot de petits larcins. Le butin dérobé le 27 septembre est autrement plus spectaculaire. Deux diamants blanc et bleu d’une valeur voisine de 11,5 millions d’euros ont été volés sur le stand du joaillier suisse Chopard. « Un groupe de huit à dix clients potentiels a réussi à mobiliser l’attention des employés. La vitrine a été forcée sans qu’on s’en rende compte. Mais, contrairement à ce qui a été dit, nous avions sur le stand une équipe de quatre personnes, plus deux agents de sécurité », nous a déclaré un porte-parole de Chopard. Une surveillance humaine bien fragile, d’autant plus que le stand n’était pas équipé d’alarmes ou de caméras de surveillance. La piste d’une mafia d’Europe de l’Est a été retenue par la police.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°200 du 8 octobre 2004, avec le titre suivant : L’heure des comptes

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