L’été des modernes

Grandes ventes de tableaux et sculptures à Paris

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 11 juin 1999 - 807 mots

Le mois de juin est traditionnellement celui des grandes ventes, notamment d’œuvres modernes. L’an dernier, des tableaux de Delacroix, Boudin, Redon, Matisse, Picasso, Ernst ou Rodin avaient dépassé le cap du million de francs. Le cru 1999 pourrait se révéler encore plus riche, avec des œuvres importantes de Seurat, Pissarro, Vlaminck, Van Dongen et Miró. L’étude Laurin, Guilloux, Buffetaud fera l’ouverture le 21 juin, suivie par Francis Briest le 22, puis l’étude Piasa le 23, qui passera le relais à Me Jacques Tajan le 24.

PARIS - Ève après le péché, une des œuvres maîtresses de Rodin, conçue à l’origine comme une sculpture devant être intégrée aux Portes de l’Enfer, sera la vedette de la vacation organisée le 21 juin par l’étude Laurin, Guilloux, Buffetaud, qui comprend également quelques tableaux anciens. Avec Le Penseur et Le Baiser, c’est une des pièces les plus populaires du sculpteur. Auguste Rodin, se désespérant de ne pouvoir parfaitement saisir la forme du corps de son modèle féminin, Adèle Abruzzezi, aurait réalisé qu’elle était enceinte. Cette sculpture de 1881-1882, haute de 76,5 cm – Rodin en a réalisé une dizaine d’exemplaires de ce format  – est une des rares Ève encore en mains privées (3-4 millions de francs).

L’échouage à Grandcamp, de Seurat, est un chef-d’œuvre du néo-impressionniste naissant (4,5-5 millions de francs). Le peintre applique dans ce panneau lumineux, exécuté en 1885, sa théorie sur le mélange optique des couleurs, construisant sa toile à coups de pinceau soigneusement divisés. “On retrouve dans cette toile des similitudes avec La Grande jatte : ligne d’horizon élevée, composition établie principalement sur des horizontales, ponctuées ici légèrement par les deux mâts verticaux et la petite oblique de la barque échouée”, explique l’expert Frédérick Chanoit. Son homologue Marc Ottavi présentera un Vlaminck de 1903, l’Étang de Saint-Cucufa (5 millions de francs). Exposé au Salon d’automne de 1905, il dispose d’un certificat de l’Institut Wildenstein. Des huiles de Dufy, d’Espagnat, Redon, Seurat, Boudin et Bonnard figurent aussi dans la vente.

Le 22 juin, Francis Briest proposera à Drouot Montaigne des œuvres de Joan Miró, Wassily Kandinsky, Chagall, Dufy, Gleizes, Marquet, Matisse, Renoir, ainsi que des toiles expressionnistes allemandes provenant d’une grande collection, dont les Quatre baigneuses de Max Pechstein (350-450 000 francs). L’œuvre phare de la vente est un Miró, Sable (1925), exécuté un an après que l’artiste eût découvert le surréalisme, à une période de remise en cause de sa peinture qui le voit abandonner le réalisme pour l’imaginaire (6-7 millions de francs). Elle appartient aux œuvres de la période 1925-1927 qualifiées d’oniriques par le poète Jacques Dupin. Un peu plus tardive, Isole (1930) de Wassily Kandinsky provient de la collection du marchand Adrien Maeght (2-3 millions des francs).

Bonnard et Van Dongen
La vente de tableaux modernes de l’étude Piasa, le 23 juin, comprendra des tableaux et sculptures des XIXe et XXe siècles, parmi lesquels des œuvres de Guillaumin, Lépine, Bonnard, Chagall, Dufy, Lebasque, Vlaminck, César et Van Dongen, dont Portrait de femme au chapeau (vers 1912), une huile sur toile caractéristique du travail du peintre d’origine néerlandaise. Cette œuvre précoce, réalisée avant que le peintre ne se consacre aux portraits mondains, provient de la collection Roudinesco – grand collectionneur et ami des peintres de l’École de Paris – où elle est demeurée jusqu’en 1968 (3-3,5 millions). Autre œuvre majeure, un Bouquet de fleurs dans un pichet par Bonnard, peint vers 1914-1945, était depuis 1928 dans la même collection (4-4,5 millions de francs). Il a figuré dans la rétrospective Bonnard qui s’est tenue à l’Orangerie des Tuileries en 1967, et ce motif exceptionnel a été repris à plusieurs reprises par le peintre.

L’automne à Éragny
Le 24 juin, Me Jacques Tajan mettra en vente des œuvres impressionnistes et modernes, dont l’Automne à Éragny de Pissarro, peinte trois ans avant sa mort alors qu’il vivait avec sa famille dans une grande maison aux confins de la Normandie et de la Picardie, à Éragny-sur-Epte. Ce paysage plein de charme et de sincérité, qui représente un verger et deux petits personnages, révèle toute l’acuité du regard de l’artiste (3 millions de francs). À noter encore une œuvre postimpressionniste d’Henri Martin, Vue de Collioure (1 million de francs). D’une tonalité beaucoup plus gaie que le Pont de la Bastide du Vert, vendue 1,3 million de francs le 24 mars chez Me Tajan, elle pourrait largement dépasser son estimation. Les bons résultats obtenus lors de cette vacation par plusieurs tableaux post-impressionnistes – Jour de pluie sur la terrasse de Marqueyrolles d’Henri Martin, estimé 400-500 000 francs, était parti à 800 000 francs – témoignent de la vigueur du marché de cette peinture.
Peu d’œuvres de Camille Claudel passent en vente publique. Œuvre mythique, L’Abandon a été exécuté en 1888, alors qu’elle commençait à perdre la raison. Il s’agit du quatrième exemplaire d’un tirage qui en comporte cinquante (1,8-2 millions de francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°85 du 11 juin 1999, avec le titre suivant : L’été des modernes

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