ART CONTEMPORAIN

Les voyages en chambre de Younès Rahmoun

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 14 mars 2018 - 490 mots

À la galerie Imane Farès, l’artiste compose des installations tout en finesse liées au thème de la migration.
Paris. Toutes les œuvres-installations de Younès Rahmoun, composées de nombreux éléments, sont le résultat d’un processus et leur présentation se veut chaque fois un chapitre du long cheminement nécessaire à leur élaboration. Illustration dans sa troisième exposition chez Imane Farès où un ensemble intitulé « Jabal-Hajar-Turâb (Montagne-Pierre-Terre), 2012-2018 » occupe toute la première salle de la galerie et propose un dessin mural, sept photos, vingt et un petits dessins (format A4) et une sculpture.

L’artiste est un grand promeneur. Il aime se balader dans la région de Tétouan (au Maroc) où il est né en 1975 et vit encore aujourd’hui. Il en rapporte aussi bien des images mentales, comme ces lignes montagneuses inspirées du Rif et dessinées à la craie sur un mur, que des images réelles à l’exemple de ces photographies de cailloux, ici posées au sol. Ou ces fleurs dessinées à l’encre de Chine qui ont poussé dans son imaginaire et sont dotées de racines aussi importantes (la mémoire) que leurs floraisons (le présent éphémère) ; ou encore cette sculpture réalisée en bois, fils transparents et boules d’argile qui évoquent atomes et molécules. Cette idée du passage de l’unité à un tout indissociable, qui agrège à chaque étape de nouvelles strates comme autant de sédiments, se retrouve avec Ghorfa, une œuvre commencée en 2005. Elle se compose de trois dessins, qui tels un mode d’emploi évoquent la (petite) chambre-atelier qu’il occupait dans la maison familiale, et de dix autres dessins qui montrent comment l’artiste au fil des ans et dans différents lieux du monde entier a décliné cet espace en le construisant réellement et de façon chaque fois différente, en version japonisante à Amsterdam en 2008, sur pilotis au Cameroun en 2010, ou recouvert de goudron pour la Biennale d’architecture de Shenzhen en 2014. Le tout avec une précision et une méticulosité caractéristiques de toute son œuvre, n’est qu’à voir, au sous-sol de la galerie, une splendide installation vidéo qui projette au sol le débit rapide de la Garonne, à Bordeaux, filmé du dessus. Sur l’image est posée une petite construction en bois, entre le radeau et le frêle esquif. Avec là encore l’idée du déplacement, du voyage, du déracinement. L’exposition est intitulée « Hijra », qui signifie « migration » en arabe. Un thème qui permet à Younès Rahmoun, très attaché à ses racines, de partir de l’intime pour atteindre à l’universel et réfléchir à la condition de l’être humain dans l’univers.

De façon plus terre à terre, les prix de ses œuvres oscillent entre 12 000 euros et 90 000 euros pour la plus importante, l’ensemble Ghorfa. Comme le justifie Imane Farès, « l’œuvre est le résultat de presque vingt ans de travail ». Et puis l’artiste est en vue depuis quelques années, en témoigne sa participation à la dernière Biennale de Venise.

Younès Rahmoun, Hijra,
jusqu’au 12 mai, galerie Imane Farès, 41, rue Mazarine, 75006 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°497 du 16 mars 2018, avec le titre suivant : Les voyages en chambre de Younès Rahmoun

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