Dessins anciens

Les papiers s’envolent

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 2 avril 2004 - 808 mots

Le marché des dessins fait bonne fortune en vente publique à Paris. Pour preuve, quatre ventes ont atteint de bons résultats du 17 au 19 mars.

 PARIS - Avec leur lot de prix de folie, les enchères de dessins à Paris pendant la Semaine du dessin sont devenues un rendez-vous incontournable des plus fervents amateurs du monde entier. Ces derniers savent apprécier les rares feuilles et éviter les écueils par leur connaissance du domaine. Le premier coup de marteau a été donné le 17 mars à Drouot lors d’une petite vente dirigée par Thierry de Maigret, et littéralement illuminée par 17 aquarelles anglaises du XIXe siècle. Sans prix de réserve, l’ensemble provenant d’une succession était estimé environ 50 000 euros, mais les pièces sont parties à l’unité en moyenne pour 5 fois leur estimation et un total de 254 000 euros. Les paysages anglais et écossais ont fait l’objet d’une joute presque exclusivement anglo-britannique. Un paysage de bord de mer du Lancashire de Peter de Wint, estimé 3 000 euros et emporté 46 500 euros, a volé la vedette à une vue animée de la cathédrale de Reims par Myles Foster, partie à 49 850 euros, son estimation haute. Après cette mise en bouche, les collectionneurs se sont retrouvés en fin de journée autour des pièces proposées chez Tajan où 62 % des 179 lots ont trouvé preneurs. Le prix obtenu pour les dessins vendus a largement compensé le manque à gagner de ceux qui ont été ravalés : 620 000 euros étaient attendus pour cette vente qui a enregistré un total de 855 000 euros. Star de la vacation, le pastel Ophélie par Redon a atteint son estimation haute de 246 120 euros. Une Étude d’homme nu du Pontormo, estimée 15 000-20 000 euros, est montée à 48 133 euros et deux études de personnages par Abraham Bloemaert vers 1620, estimées l’une 4 000 euros et l’autre 8 000 euros, se sont respectivement arrachées à 15 640 et 18 050 euros. Perdue au milieu de tous ces précieux papiers, Clorinde à cheval, une huile sur toile dans un état de conservation moyen de Delacroix, est montée à 223 250 euros contre une estimation haute de 30 000 euros. Le troisième et avant-dernier acte s’est déroulé le 18 mars chez Christie’s où 80 % des 332 lots ont été emportés pour 500 000 euros de plus que l’estimation basse. Les collectionneurs ont acquis les plus beaux morceaux comme l’album des 79 vues aquarellées de Malte, Italie, France, Bulgarie, Roumanie et de Turquie du comte Amadeo Preziosi (1816-1882), lot envolé à 228 250 euros, un record du monde pour l’artiste. En revanche, trois pièces majeures sont restées invendues : une Pietà du XVIe siècle de Luca Penni, estimée 70 000 euros ; Une jeune fille avec un petit garçon et un chien de Giambattista Piazzetta (1682-1754), estimée 60 000 euros, et La Lingère et le jeune gentilhomme, une grande feuille du XVIIIe siècle à la craie noire et rouge de Jacques André Portail, estimée 50 000 euros. De son côté, le Cabaret à Paris en 1815 par Boilly (1761-1845), estimé 70 000-120 000 euros, est parti au ras de son estimation basse pour 76 375 euros. Sous l’influence de ses vendeurs, la maison de ventes ne reconnaît pas facilement se laisser aller à des estimations trop ambitieuses qui, même pour des dessins de qualité, déroutent les acheteurs. « Le Piazzetta n’était pas trop cher », se défend Nicolas Schwed, le directeur du département des dessins anciens chez Christie’s. Un avis que ne partage pas, semble-t-il, le marché.

Estimations pulvérisées pour Saint-Aubin
Un scénario identique – une salle bondée avec de nombreux téléphones sous tension – s’est répété pour l’ultime vente du 19 mars à Drouot chez Piasa. Seul un petit quart des 222 lots n’ont eu l’heur de plaire au public, la plus grande déception venant de L’Invalide de la rue Mosnier (étude pour Les Mendiants, 1878) de Manet, estimé 80 000-100 000 euros, pour lequel les enchères se sont essoufflées à 66 000 euros. Mis à part cette fausse note, la vente a connu plusieurs moments de gloire. Ainsi Le Triomphe de Pompée dans à Rome à l’imitation de Paul-Émile, une aquarelle gouachée de Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780), s’est envolée pour l’enchère record de 307 040 euros au profit d’un musée international qui ne s’est pas dévoilé, contre une estimation de 80 000 euros. Du même artiste, La Bataille d’Ecnome gagnée sur mer par les Romains et La Statue de Louis XV, vue dans l’encadrement d’une arcade du Garde-Meuble, adjugées 182 570 et 52 950 euros, ont également pulvérisé leurs estimations respectives de 60 000 et 12 000 euros. Enfin, les Silhouettes aux ombrelles sur la plage de Trouville par vent fort, un pastel d’Eugène Boudin estimé 30 000 euros, ont trouvé preneur au téléphone pour 137 300 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°190 du 2 avril 2004, avec le titre suivant : Les papiers s’envolent

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