Art africain

Les mythes de la sculpture dogon

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2005 - 615 mots

La galerie Ratton-Hourdé à Paris propose un bel ensemble de pièces provenant du Mali.

 PARIS - « Un grand classique de l’art africain ». Tel est le statut de l’art dogon sur le marché des arts primitifs selon Daniel Hourdé, qui présente avec son collaborateur Philippe Ratton un ensemble de sculptures de l’ethnie des Dogon (est du Mali). Le tandem a préféré le mois de juin au mois de septembre pour organiser son exposition thématique annuelle, profitant de la venue en masse des collectionneurs pour les grandes ventes d’art premier (lire p. 23), à défaut de capter ceux attendus au Kaos-Parcours des mondes à la rentrée. Accumulées par les deux marchands sur une période de quatre ans, ces pièces, dont certaines remontent à plusieurs siècles, proviennent, entre autres, de collections françaises, belges et américaines.
Ne connaissant pas l’écriture, le peuple dogon a développé une tradition orale et artistique. Construite autour d’un mythe fondateur, leur culture, diffusée par la sculpture sur bois, est largement codifiée et peuplée d’icônes reconnaissables et souvent universelles, comme la maternité ou la pilleuse de mil, synonymes de fertilité et d’abondance. La galerie de la rue des Beaux-Arts propose de nombreux exemples de ces icônes, dont l’équivalent dans la culture occidentale seraient à chercher du côté des figures mythologiques grecques et romaines. Les jumeaux (Nommo et Yuguru, fils de Yamma et de la Terre) sont un archétype plus ou moins prisé, selon la position dans laquelle ils sont représentés. On les retrouve ici l’un portant l’autre sur les épaules, un modèle rare qui fut exposé au Musée Dapper, à Paris, en 1995. Le personnage levant les bras au ciel est pour sa part interprété par certains comme une imploration à la pluie. Victime de la sécheresse lorsqu’il n’est pas inondé par les eaux du fleuve Niger, le territoire dogon compte sur la clémence des dieux. Mais la figure la plus touchante est sans doute celle de Yuguru, coupable de l’inceste avec sa mère, qui se terre accroupi, et se cache les yeux, rongé par la honte.

Geste fossilisé
Contrairement à l’art lobi, où chacun possède – avec plus ou moins de talent – la force de création, ou l’art du bronze gan, dont le fondeur est investi d’une mission spirituelle, la sculpture dogon est le fait d’un forgeron, appartenant à une caste particulière et dont le talent artistique est reconnu. Chaque village de l’ethnie, répartie le long d’une imposante falaise longue de plusieurs centaines de kilomètres, présente une signature particulière, spécifique au style de son forgeron. Ainsi s’égrènent les noms des villages à la production spécifique : Djennenké, Bombou-toro, Kambari, Tintam… Tellem désigne en revanche les ancêtres des Dogon, dont une très belle pièce datant du XIVe siècle est ici présentée. Constituée d’enduits sacrificiels comme la bouillie de mil, du sang, des onguents voire des crachats, sa patine épaisse et granuleuse lui donne un aspect brut et noueux. On devine les contours d’une silhouette levant les bras au ciel, dont le geste se serait comme fossilisé. Ou pétrifié, comme dans cette autre statuette tellem, agenouillée, dont la surface rugueuse ressemble à la pierre. Patine minérale donc, mais aussi métallique dans le cas d’une troisième statuette tellem dont le bois rougi par endroits a des faux airs de métal rouillé. Une autre très belle patine est celle provoquée par le suintement des onguents appliqués sur l’objet, à l’image de cette statue provenant du Musée Barbier-Muller à Genève et adjugée 145 833 euros le 8 juin à Drouot-Montaigne, chez Calmels-Cohen. L’aspect huileux donne une brillance au bois qui, en somme, reste vivant.

Dogon

Jusqu’au 23 juillet, galerie Ratton-Hourdé, 10, rue des Beaux-Arts, 75006 Paris, tél. 01 46 33 32 02, tlj sauf dimanche et lundi, 10h30-13h, 14h30-19h

Dogon

- Marchands : Philippe Ratton et Daniel Hourdé - Nombre d’œuvres : 39 sculptures en bois - Nombre de salles : 2

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°218 du 24 juin 2005, avec le titre suivant : Les mythes de la sculpture dogon

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