Design

Les lumières de la ville

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2012 - 798 mots

Jeunes designeurs ou concepteurs confirmés distillent l’éclat de leurs dernières créations avant la fermeture estivale des galeries.

PARIS -  À l’approche de l’été, nombre de galeries de design tournent au ralenti, exhibant des pièces de plus ou moins grande fraîcheur. Quelques-unes persistent néanmoins à déployer de franches nouveautés et/ou des productions récentes encore jamais montrées. C’est le cas de la Tools Galerie, laquelle présente, entre autres, le travail d’un jeune designer transalpin, Matteo Zorzenoni, 34 ans. Ce dernier joue de l’équilibre entre la délicate lumière des diodes électroluminescentes (LED) et, à l’opposé, un matériau massif, le marbre. Il a ainsi conçu les lampes baptisées Heavy Light, joyeux jeu de mots entre Heavy (lourd) et Light qui, en anglais, signifie à la fois « lumière » et « léger ». Avec des formes proches de celles chères à Marc Newson ou aux frères Bouroullec, il dessine deux modèles, l’un horizontal (4 500 euros), l’autre vertical (4 000 euros), dans deux types de marbre, l’un blanc – Pentelico –, l’autre un poil rosé – Rosa Portoro. Le plus étonnant est qu’elles sont fabriquées d’un seul tenant, issues, chacune, d’un seul et même bloc soigneusement évidé. De fait, chaque lampe est unique. On ne sait d’ailleurs s’il s’agit à proprement parler d’un luminaire ou d’une sculpture lumineuse.

Et la lumière fut
À la Carpenters Workshop Gallery, la spécialiste de la lumière Johanna Grawunder, 51 ans, présente ses dernières pièces sous l’intitulé général Big Sky. La source lumineuse, la designeur américaine l’explore tous azimuts : par projection, par diffraction, par propagation, par réflexion, par interposition… En tout, sont exposées une dizaine de pièces, s’élevant de 6 800 euros à 32 000 euros. Leur point commun : une recherche sur la qualité de l’ambiance domestique. « La lumière est la muse de l’architecture », dit Grawunder. Souvent, il s’agit de faire « surgir » la lumière par surprise, sinon de manière énigmatique. À vrai dire, le procédé ne séduit pas à tous les coups. Halfpipe – 14 000 euros – est un demi-tube en acier quasi brut, posé debout et doté d’un miroir dissimulant un halogène. Slab – 25 000 euros – est un plafonnier carré dont la lumière peut varier d’un blanc aveuglant à une nuance crépusculaire. Muni d’un plexiglas réfléchissant, il devient miroir lorsque la source lumineuse se tarit. Un peu sur le même principe de plafonnier, mais dans une version plus sophistiquée, Box – 20 000 euros – est agrémenté d’une suspension en forme d’anneau carré, dont les faces intérieures sont éclairées comme par magie. De son côté, Platform – 16 000 euros – est un parallélépipède noir et au ras du sol, qui fait office de table basse. De prime abord, le spectateur ne distingue qu’un volume sombre et banal. Mais à y regarder de plus près, les faces du volume s’entrouvrent par endroits pour laisser filtrer des rais de lumière verte dispensés par des tubes fluorescents dissimulés à l’intérieur du « bloc » d’acier. La sculpturale « applique » Corner – 32 000 euros – enfin, est un origami de métal poli miroir que Grawunder compare, pompeusement, à « un autel réfléchissant ». Fiat Lux !

Dans la Galerie Maria Wettergren, la designeur danoise Grethe Soerensen, 65 ans, s’attache, elle, aux « lumières de la ville » à travers une série de tapisseries d’une incroyable… luminosité : City Lights. On est, en effet, littéralement « éblouis » dans les deux sens du terme par ces vastes textiles réalisés avec la technique du jacquard : à la fois par le rendu de ces éclairages urbains nocturnes – phares de voiture, néons publicitaires, lampadaires… –, ainsi que par la virtuosité du procédé. Sa technique est rôdée. D’abord, munie d’une caméra vidéo, elle filme la ville – Shanghai, New York, Copenhague… – à la nuit tombée. Puis, grâce à un logiciel qu’elle a elle-même mis au point, elle transforme les pixels en autant de fils de coton colorés. Le tout sera ensuite directement « traduit » par des métiers à tisser pilotés numériquement. Le résultat est bluffant. Les instantanés urbains captés par Soerensen deviennent alors comme des rêves moelleux. Les feux de signalisation se métamorphosent en surfaces arrondies et douces, les néons agressifs des devantures en formes vaporeuses et bariolées. Les formats sont grands : City Light/Shanghai 2 mesure 288 x 159 cm, Rush Hour/Copenhagen 1, 303 x 163 cm. Chaque pièce est unique et coûte 18 000 euros.

- MATTEO ZORZENONI, jusqu’au 21 juillet, Tools Galerie, 119 rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris, Tél. 01 42 77 35 80

- JOHANNA GRAWUNDER, jusqu’au 31 juillet, Carpenters Workshop Gallery, 54 rue de la Verrerie, 75004 Paris, Tél. 01 42 78 80 92

- GRETHE SOERENSEN, CITY LIGHTS, jusqu’au 21 juillet, Galerie Maria Wettergren, 18 rue Guénégaud, 75006 Paris, Tél. 01 43 29 19 60

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°372 du 22 juin 2012, avec le titre suivant : Les lumières de la ville

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