Foire & Salon

Fiac « off »

Les foires satellites ne tournent pas rond

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 10 novembre 2015 - 1166 mots

À quelques exceptions près, les foires « off », organisées dans le sillage de la Fiac, en très grand nombre cette année, ne sont pas parvenues à faire rimer quantité et qualité.

PARIS - Cette année, l’essentiel du « off » de la Fiac (Foire internationale d’art contemporain) s’est déroulé aux alentours du Grand Palais, créant dans le quartier un effet de concentration. Ce qui n’a pas empêché de provoquer chez certains un sentiment de saturation et de dispersion de la qualité. Les foires « off », et en particulier celles qui se placent  sur le créneau de l’émergence, peinent parfois à imposer une identité forte et à échapper au phénomène de remplissage dicté par des impératifs avant tout financiers.

Slick peu convaincante
Implantée pour la troisième année à quelques mètres du pont Alexandre-III, Slick fêtait ses 10 ans. On pouvait apprécier de beaux Viallat récents sur le stand de la galerie rennaise Oniris, une impressionnante reconstitution de l’assassinat de J. F. Kennedy par Alain Josseau chez Claire Gastaud (Clermont-Ferrand), ou une installation hypnotique d’Alexandra Gorczynski chez la jeune et virtuelle Maffei Laffy Gallery (Paris). Mais dans l’ensemble, avec 50 % de galeries étrangères (essentiellement allemandes), la foire, qui s’est internationalisée, n’a pas su convaincre.

YIA trop disparate
Également positionnée sur le créneau de la scène émergente mais située, elle, dans le Marais, au Carreau du Temple, l’YIA Art Fair réalisait avec 65 galeries une édition inégale et un peu décevante, en dépit de la présence de stands remarquables comme celui de Vincent Sator (Paris), tout en noir et blanc. Celui-ci présentait notamment des œuvres de Gabriel Léger et Raphaël Denis ; allant de 300 à 12 000 euro, elles ont presque fait un sold out. On remarquait aussi le solo show de Valentin Dommanget chez Olivier Robert (Paris), les interventions tonitruantes de None Futbol Club chez Derouillon (Paris), ou encore le travail émouvant de Batia Shani exposé par la galerie israélienne Tamar Dresdner comme le confessionnal déjanté du Chinois Li Wei chez A2Z Art Gallery (Paris). Mais on pouvait déplorer une présence en (trop grand) nombre de dessins et peintures figuratives sans grand intérêt.

Lancement réussi pour Paris Internationale
Issue de l’association de quatre galeries françaises œuvrant dans le quartier de Belleville (Sultana, High Ligh, Antoine Lévi, Crèvecœur) et du zurichois Gregor Staiger, la nouvelle foire « Paris Internationale », installée avenue d’Iéna (Paris-16e) dans un hôtel particulier resté dans son jus, a réussi son lancement. D’importants collectionneurs membres de l’Adiaf (Association pour le développement international de l’art français) ou de la Centre Pompidou Foundation sont passés, mais aussi des noms connus en provenance de New York et de Los Angeles, et, selon la plupart des enseignes, le bilan commercial est très positif. Dès la première heure, des ventes se sont conclues.
Réunie sur le principe d’affinités électives, une famille s’est dessinée, avec des propositions souvent très réussies ; l’ambiance, décontractée, a été comparée à l’Adaa et à Independent (New York) ou à Liste (Bâle). Partageant un joli salon rouge, Sultana présentait des sculptures d’Emmanuel Lagarrigue entre 4 000 et 5 000 euros qui ont trouvé acquéreur, et Praz-Delavallade optait pour un solo show efficace de Ry Rocklen. « Du fait du faible coût du stand (4 000 euros), on est dans un autre système que celui des grandes foires, on peut prendre des risques », confiait René-Julien Praz. On notait aussi un très beau dialogue entre Adrien Missika et Martin Soto Climent chez la mexicaine Proyectos Monclova, qui participait l’an dernier à la Fiac. « Pour l’instant, l’idée n’est pas de pérenniser sur le très long terme cette manifestation, souligne Antoine Levi. Nous nous projetons sur trois ans, ensuite nous verrons. » Position d’autant plus sage que se pose la question du devenir de la manifestation si les galeries leaders de l’opération entraient en 2016 à la Fiac.

Asia Now peu affairée
Autre nouvelle née qui a aussi établi ses quartiers à proximité du Grand Palais, dans l’exigu Espace Cardin : « Asia Now ». Avec 19 exposants (dont 50 % issus d’Asie), la manifestation entend occuper le créneau plus resserré des artistes émergents asiatiques, assez peu représentés sur les autres foires (Fiac et « off » compris), malgré un marché florissant. Les grandes enseignes asiatiques étaient pourtant absentes, mais quelques jeunes galeries prometteuses de la région y participaient à l’exemple de Bank (Shanghaï), auxquelles s’ajoutaient des enseignes européennes comme Ifa Gallery (Bruxelles), Magda Danysz ou RX (Paris). Le grand collectionneur d’art asiatique Budi Tek avait fait le déplacement, de même qu’Alain Servais ou que des curateurs tel Jérôme Sans. Mais les ventes ont été calmes. Une marge de progression est à prévoir pour qu’Asia Now devienne une étape obligée.

Art Élysées, un rythme de croisière
Un peu à part, Art Élysées occupe seule le créneau de l’art moderne français des années 1945 à 1980 et de l’art contemporain « classique ». Certes, on y trouve du bon et du moins bon, mais pour sa 9e édition, la manifestation semble avoir trouvé sa place et son rythme de croisière. Bénéficiant de la proximité du Grand Palais, elle a accueilli le soir du vernissage près de 12 500 visiteurs. On pouvait admirer de très beaux Hans Hartung, mais aussi de nombreuses toiles de Bernard Buffet (chez son spécialiste Dil mais aussi sur d’autres stands), ou encore des Poliakoff dont un très rare daté de 1959 présenté à la Galerie des Modernes (Paris) et qui a rapidement trouvé acquéreur à l’étranger.
La Figuration narrative fut aussi de la partie avec Jacques Monory chez AD Galerie (Montpellier) ou un savoureux Gérard Schlosser à la galerie Vintage (Paris). Autre cheval de bataille de la foire, l’abstraction géométrique et cinétique, représentée par Meyer Zafra (Paris) et Gimpel & Müller (Paris). Les deux galeries proposaient seulement quelques pièces historiques – la majorité d’entre elles étaient contemporaines du fait de la rareté de ce type de pièces aujourd’hui en circulation sur le marché.

Côté design, les historiques étaient bel et bien là, à la Galerie Avril (Paris) pour Jean Prouvé et Serge Mouille, ou chez Alexandre Guillemain (Paris) pour Pierre Guariche. Mais, pour la première fois dans l’histoire de cette section, des ventes conclues avec des collectionneurs étrangers ont été annulées, créant un certain malaise. Plus généralement, sur Art Élysées comme dans les autres foires « off », une tendance à la frilosité a été souvent mentionnée par les galeristes.

Notons enfin la création d’une nouvelle branche pour Art Élysées, dénommée « 8e avenue » et consacrée à l’art urbain et contemporain. Une bonne idée alors que le marché du street art connaît des envolées. Des galeries telle Le Feuvre (Paris) y montraient des pièces iconiques, celles d’Invader, de Sowat ou de Stohead ; Georges Zorgbibe (galerie GZ, Paris) réalisait une exposition de Rammellzee, compagnon de route de Jean-Michel Basquiat. Malheureusement, se mêlait à l’ensemble une peinture « commerciale » qui n’avait pas du tout sa place ici. La prochaine édition aurait tout intérêt à se recentrer exclusivement sur l’art urbain.

Légende photo

Le Carreau du Temple où se déroule le YIA © Le Carreau du Temple

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°445 du 13 novembre 2015, avec le titre suivant : Les foires satellites ne tournent pas rond

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