Dubaï

Les défis d’une nouvelle foire

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 19 juillet 2007 - 742 mots

Les exposants de la Gulf Art Fair, aux Émirats Arabes Unis, testent pour la première fois le marché moyen-oriental du 8 au 10 mars.

 DUBAI - Les acteurs du marché de l’art prennent régulièrement leur bâton de pèlerin ou de sourcier en quête de nouveaux territoires à défricher. Après la Chine et l’Inde, la riche poudrière du Moyen-Orient attise les convoitises. C’est dans la bulle prospère de Dubaï, village de pêcheurs de perles reconverti en carrefour commercial international, que la Gulf Art Fair va prendre pied du 8 au 10 mars. « Dubaï a grandi de manière exponentielle en dix ans, observe Lisa Ball-Lechgar, rédactrice en chef du magazine londonien Canvas. D’ici 2015, elle imagine atteindre une population de 15 millions d’habitants. Son nouvel aéroport, prévu pour dans neuf ans, aura une capacité plus grande que ceux de Chicago O’Hare et Londres Heathrow combinés. Dans le même temps, le secteur artistique gagne en taille, en confiance. » Dubaï s’est donc forgée selon le principe du « construisez et ils viendront ». N’est-il toutefois pas prématuré d’y implanter une foire d’art alors que les structures culturelles n’en sont qu’à leurs balbutiements ? « J’étais nerveuse à cette idée voilà encore six mois, mais Dubaï évolue à la vitesse de l’éclair, observe Claudia Cellini, codirectrice de la galerie Third Line (Dubaï). La vente récente organisée par Christie’s a confirmé la réalité de ce marché. Même les galeries locales qui n’ont pas été acceptées à la foire sentent que celle-ci peut indirectement mettre en lumière leur activité et augmenter leur professionnalisme. »
Les organisateurs du salon ont adopté une double stratégie centrifuge et centripète, via un programme pédagogique destiné à familiariser Orientaux et Occidentaux aux enjeux artistiques réciproques. Aux restrictions aussi puisque les nus et les images religieuses restent proscrits. « Les collectionneurs qui ont loupé le coche de l’art chinois vont peut-être se rendre compte des opportunités qui existent au Moyen-Orient », observe le directeur du salon, John Martin, qui vit en Grande-Bretagne. L’idée consiste donc à appâter les collectionneurs étrangers tout en incitant les acheteurs du Moyen-Orient à regarder l’art occidental présenté par des galeries aussi réputées que White Cube (Londres), Continua (San Gimignano/Pékin) ou Krinzinger (Vienne). Il est toutefois regrettable que la foire n’ait pas aligné son calendrier sur les dates de la Biennale de Sharjah, inaugurée le 4 avril.

Art indien
À l’affiche dans cinq galeries, l’art indien fera sans doute florès grâce aux quelque 350 acheteurs indiens conviés pour l’occasion. La vente de Christie’s, qui a totalisé 9,4 millions de dollars le 1er février, a fait d’ailleurs la part belle à l’art du sous-continent. « Je crois que les collectionneurs indiens seront intéressés à l’idée de se rendre à une foire plus proche de chez eux », observe Lisa Varghese, de la galerie Bose Pacia (New York). Les autres exposants devront compter sur un noyau de visiteurs plus large que le seul vivier local. À titre indicatif, la galerie Third Line (Dubaï), qui présentera les Égyptiennes Huda Lutfi et Mona Marzouk ainsi que l’Iranien Farhad Moshiri, ne dispose que d’une clientèle à 30 % moyen-orientale.
Outre l’art indien, la sculpture occupe le terrain. « Le vrai potentiel à Dubaï sera celui de la sculpture urbaine », prédit le marchand Enrico Navarra (Paris). Le programme de projets extérieurs, confiés à des artistes moyen-orientaux et occidentaux en parallèle de la foire, pourrait lui donner raison. Continua présente de fait de nouvelles pièces en fer de Mona Hatoum et une installation murale en argent d’Anish Kapoor. Baudoin Lebon (Paris) mise, lui, sur les sculptures d’Alain Clément, maquettes à d’éventuelles commandes de plus grand format. Pour maximiser ses possibilités de vente, le marchand parisien flatte aussi le public local avec un Portrait d’Arabe par Dubuffet (1948) et une photographie d’Égypte par Gustave Le Gray. Enrico Navarra prévoit enfin quelques icônes de la culture américaine comme Warhol, Basquiat et Wesselmann, encouragé en cela par les bons prix décrochés par certains de ces artistes chez Christie’s à Dubaï. N’oublions d’ailleurs pas que si Abou Dhabi est francophile, Dubaï se nourrit, elle, du rêve anglo-saxon. La nouvelle génération d’Émiratis a souvent étudié à Londres ou aux États-Unis et s’est parfaitement coulée dans le Life Style occidental. Or, de l’art de vivre à l’art contemporain, il n’y a qu’un pas.

GULF ART FAIR

Du 8 au 10 mars, Madinat Arena, Jumeirah Beach, The Arabian Resort, Dubaï, le 8 de 19h à 23h, les 9 et 10 de 13h à 19h, www.gulfartfair.com

GULF ART FAIR

- Directeur : John Martin - Nombre d’exposants : 41 - Tarif des stands : 600 dollars le m2

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : Les défis d’une nouvelle foire

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