Les bijoux d’Hélène Beaumont

L’ultime romance sur la Riviera d’avant-guerre

Le Journal des Arts

Le 1 mai 1994 - 575 mots

Nicholas Reyner, le grand expert en bijoux de Sotheby’s, à qui l’on doit les ventes Windsor et Bismarck, a frappé un très grand coup en cueillant les bijoux Beaumont à la barbe de Christie’s. Vente le 18 mai à Genève d’un ensemble de plus de cent vingt-cinq lots, estimés à plus de quarante millions de francs.

GENÈVE - La vie d’Hélène Beaumont aurait inspiré le plus fabuleux des soap-operas. Elle naquit pauvre et ravissante, commença une modeste carrière de cantatrice et, telle Cendrillon, fut reconnue par un prince charmant, le milliardaire américain Louis Dudley Beaumont. Il s’aimèrent et rien ne fut trop beau pour Hélène. Son époux lui offrit l’une des plus belles villas de la Riviera, la garnit des meubles les plus précieux, acquis à Londres dans les grandes ventes Rothschild des années vingt. Enfin, comme une femme du monde à cette époque n’existait que par ses bijoux, l’écrin de notre héroïne sera à faire pleurer de jalousie ses amies Florence Gould, Wallis Windsor et Mona Bismarck. Ces quatre femmes furent au sommet de la vie mondaine et leurs bijoux – tous en grande partie acquis dans les années trente et quarante – sont parmi les plus grands chefs-d’œuvre des arts décoratifs français de l’époque. La personnalité de chacune de ces femmes fut déterminante dans la conception de leurs bijoux.

Mona Bismarck, certainement la plus originale du groupe, portait beaucoup de bijoux anciens des années 1850, et faisait monter chez un joaillier de confiance de superbes pierres, qu’elle achetait elle-même. Sa sûreté de goût lui évitait de s’abriter derrière une marque fameuse.

Florence Gould, la plus cultivée et la plus brillante de notre quatuor, comme le montre sa collection de tableaux, avait par contre un goût moins sûr dans le choix de ses bijoux. Beaucoup de nouvelles fortunes de l’époque achetèrent des bijoux voyants ou ennuyeux, phénomène que l’on ressent dans tous les arts décoratifs de l’entre-deux guerres, où les réalisations les plus épurées côtoyaient des monuments de vulgarité.

L’agressivité de la duchesse de Windsor se ressent immédiatement lorsqu’on voit ses bijoux, comme la fameuse collection de panthères de Cartier. Les formes très dures de certains bijoux expriment parfaitement la psychologie d’une femme qui dominera toute sa vie son époux. Les dessinateurs de la place Vendôme inventeront pour elle les formes les plus novatrices des années trente et quarante. Le catalogue de sa vente chez Sotheby’s est devenu, grâce à son inspiratrice, une parfaite synthèse de ces années de crise, de violence, de récession et de luxe.

Hélène Beaumont fut la plus discrète, et certainement la plus heureuse de ces femmes. Ses bijoux reflètent sa sérénité. En 1937, Van Cleef & Arpels propose à la duchesse de Windsor et à Hélène Beaumont le même dessin pour un grand collier en rubis et diamants. La première changera le dessin pour faire réaliser un collier à torsade très voyant ; le collier Beaumont sera plus régulier, plus simple. La majeure partie des grands bijoux du soir Beaumont furent réalisés par V.C.A., liant des pierres superbes par des formes très simples, aériennes. Ce sont des bijoux d’un dessin caractéristique de leur temps, mais qui les transcende, comme à la même époque les œuvres de Rateau ou de Sue et Mare dans l’ébénisterie. La plupart des bijoux Beaumont sont à transformation, permettant de varier les couleurs des pierres en fonction des occasions. Plusieurs bijoux de jour sont de Suzanne Belperron, une des créatrices les plus inspirées de l’époque.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°3 du 1 mai 1994, avec le titre suivant : Les bijoux d’Hélène Beaumont

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