A l’écart des records de Drouot

De la photographie aux autographes, des spécialités plus abordables

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 17 décembre 1999 - 1141 mots

Oublions les locomotives du marché de l’art français, comme l’Art déco ou le mobilier du XVIIIe siècle, pour nous intéresser à des spécialités nettement moins onéreuses dans lesquelles il est possible, pour quelques milliers ou dizaines de milliers de francs, d’acquérir des œuvres de qualité.

La photographie
Les 5,2 millions de francs obtenus par une marine d’Eugène Le Gray chez Sotheby’s, le 27 octobre à Londres, resteront sans doute une exception, un épiphénomène sur le marché de la photographie, particulièrement en France, où rares sont les adjudications qui dépassent la barre des 25 000 francs. Des photographies d’Eugène Atget peuvent encore être acquises pour quelques milliers de francs, pour des pièces de qualité moyenne, des portraits de Nadar entre 10 et 15 000 francs, si le “modèle” est inconnu. Les travaux d’Adolphe Terris datant des années 1850 et 1860, qui présentent des similitudes avec les œuvres de Marville, font en vente publique entre 18 et 20 000 francs. En galerie, des tirages de Cartier-Bresson se négocient entre 20 et 30 000 francs, des Willy Ronis à moins de 10 000 francs, des œuvres de Boubat entre 5 et 8 000 francs. “Il faut chercher. Tout est encore à faire, insiste l’expert Serge Kakou. On peut acquérir aujourd’hui, pour quelques milliers de francs, des petits maîtres qui seront les égaux de Gustave Le Gray dans dix ans. Ainsi, par exemple, les tirages d’Aimé Civiale (13-15 000 francs), d’Ernest de Caranza ou de Charles Billière.”

Le mobilier des années quarante et cinquante
Si la cote des grands noms de l’Art déco, comme Ruhlmann ou Chareau, a atteint des niveaux qui les rendent inabordables à bon nombre de collectionneurs, les prix des créateurs des années quarante et cinquante sont nettement plus accessibles. Les galeries proposent, entre 35 000 et 50 000 francs, de très beaux meubles de René Prou, Louis Sognot ou Lucien Rollin. Un bureau de René Prou en chêne se négocie autour de 35 000 francs, une table de Sognot à 20 000 francs, une paire de fauteuils estampillés de Lucien Rollin 40 000 francs. Une petite table de Dominique, qui s’ouvre avec deux rallonges, vaut 45 0000 francs, une table de Leleu dans les 40-50 000 francs. Une console aux montants formés de trois X en acier, recouverte d’un plateau en marbre, a été adjugée  30 000 francs à Drouot cet automne. “Il y a aussi des meubles tardifs d’Arbus dans ces fourchettes de prix”, note Yves Gastou.

Les dessins anciens
Si l’on met de côté les grandes feuilles de Prud’hon, d’Ingres ou de Millet, comme La Ravaudeuse (Drouot, étude Piasa, juin 1998, 1,7 million de francs), qui partent souvent pour plusieurs centaines de milliers de francs quand ce n’est pas quelques millions, on peut acquérir en vente publique de belles feuilles à moins de 25 000 francs. Dans la vente organisée le 26 novembre à Drouot par l’étude Tajan, un petit dessin de Géricault représentant des personnages en costume oriental a fait 25 000 francs, et une contre-épreuve à la pierre noire de Fragonard le même prix. Le 8 décembre, une petite feuille de Puvis de Chavannes était emportée à moins de 7 000 francs, un dessin de l’école ombrienne du XVIe siècle à 22 000 francs. “Le marché est plus sensible à la qualité exceptionnelle d’un dessin qu’au nom de l’artiste qui l’a exécuté, souligne Patrick de Bayser, pour qui il est possible d’acquérir, à moins de 10 000 francs, des dessins corrects de grands noms : de petites études de personnages d’Hubert Robert entre 10 et 20 000 francs, un petit croquis de Delacroix pour 5 à 10 000 francs, mais aussi de grandes feuilles d’artistes moins connus, comme Antoine Joinville, à moins de 10 000 francs. Des dessins italiens anonymes des XVIe ou XVIIe siècle ou des copies de grands maîtres peuvent se négocier à des prix peu élevés.”

Monnaies et médailles
Pour quelques milliers de francs, les salles de vente proposent des pièces royales françaises Louis XV et Louis XVI. “Les monnaies des rois Louis (XIII, XIV, XV, XVI), à condition qu’elles ne soient pas usées et n’aient pas subi de coups, sont particulièrement intéressantes, explique Alain Weil, car leur cote a baissé.” Des écus Louis XV en argent valent entre 800 francs et 2 500 francs. Pour les pièces d’or, il faut compter entre 1 500 et 5 000 francs. Un Louis d’or “au buste nu” de Louis XVI vaut environ 1 500 francs. Et le prix des médailles est encore inférieur.

Art oriental
Marché encore jeune, l’art oriental offre encore de belles possibilités, autour de 10-15 000 francs, comme cette miniature persane du début du XVIIe siècle, enluminée de fleurs et feuillages dorés, adjugée 12 000 francs, ou cette miniature érotique indienne (XIXe siècle, école du Rajasthan), probablement influencée par une thanka tibétaine, vendue 9 000 francs, toutes deux proposées à Drouot lors de la vente Soustiel du 6 décembre. “Un Coran complet du XVIIIe siècle vaut de 8 à 10 000 francs, des bronzes du XIIe siècle 10 000 francs, indique l’expert Marie-Christine David. Les céramiques persanes des XIIIe ou XIVe siècles sont généralement adjugées entre 10 000 et 20 000 francs, suivant leur état.”

Postimpressionnistes et École de Rouen
À l’écart des grands tableaux modernes, des Renoir, Picasso ou Chagall qui partent rarement à moins de 500 000 francs quand ce n’est pas à plusieurs millions, on trouve à des prix moins élevés de bons postimpressionnistes, tels Henri Guillaumin (50 à 500 000 francs) ou Gustave Loiseau (40 à 600 000 francs). “Dans des fourchettes de prix moins élevées, remarque l’expert Franck Baille, signalons des œuvres de l’École de Rouen, comme celles de Robert Antoine Pinchon (60-80 000 francs), de Maurice Louvrier (10-30 000 francs) ou d’Alcide Le Beau (80-120 000 francs), encore très abordables.”

École de Barbizon
Si les Corot, Rousseau, Millet se vendent parfois plusieurs millions de francs, il existe toute une gamme de peintres de cette école dont la cote est nettement moins élevée, par exemple celle d’Henri-Jacques Delpy (60-100 000 francs), Paul Camille Guigou (environ 120 000 francs) ou Charles Jacques (entre 40 000 et 250 000 francs). Les dessins sont encore plus abordables : un Rousseau se négocie à moins de 60 000 francs, un Corot entre 40 à 100 000 francs.

Les autographes
“Cette spécialité reste encore relativement abordable, insiste l’expert Thierry Bodin. On trouve des lettres d’André Gide ou de Roger Martin du Gard autour de 500-600 francs. Entre 1 500 francs et 5 000 francs, les pièces présentent un réel intérêt, comme cette lettre d’André Breton évoquant Paul Eluard adjugée 3 500 francs cet automne à Drouot, ou un manuscrit d’Anouilh sur le théâtre enlevé à 4 500 francs.” Une lettre autographe d’une page de Paul Verlaine, signée par le poète, datant d’août 1889, est partie en vente publique l’an dernier à 7 000 francs, une autre à 6 000 francs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°95 du 17 décembre 1999, avec le titre suivant : A l’écart des records de Drouot

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