Expertise

Le vrai-faux Poussin était le vrai

Une comparaison scientifique entre les deux toiles controversées a levé les derniers doutes sur leur authenticité

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 377 mots

WASHINGTON - Deux tableaux apparemment identiques, appelés 'la Sainte Famille' ou 'la Madone à l’escalier', attribués tous les deux, à différents moments, à Nicolas Poussin, ont été accrochés côte à côte les 23 et 24 mai à la National Gallery de Washington et sérieusement étudiés ensemble pour la première fois depuis le XVIIe siècle (voir JdA n°3).

La confrontation, qui a eu lieu à huis clos et au seul regard des spécialistes, a conclu à l’authenticité de la version peinte en 1648 et entrée au musée de Cleveland aux États-Unis en 1981. La copie, longtemps considérée comme l’œuvre du maître par Otto Grautoff, auteur du premier catalogue raisonné de Poussin, et ensuite par l’expert britannique Anthony Blunt, se trouve depuis 1949 à la National Gallery où la confrontation a eu lieu.

Le jugement des spécialistes a été ressenti comme un grand soulagement par Philippe Bertin-Mourot, ancien propriétaire du tableau de Cleveland, qui l’avait sorti de France, alors qu’il était considéré comme la copie, en 1981, sans l’autorisation des musées de France ou le moindre papier de douane. Il l’avait ensuite vendu au musée de Cleveland pour 2,2 millions de dollars, soit 13,8 millions de francs de l’époque. Condamné depuis pour "exportation en contrebande et non-rapatriement de revenu encaissé à l’étranger", Philippe Bertin-Mourot verra son affaire rejugée, dans quelques mois par la Cour d’appel de Versailles, le premier jugement ayant été annulé en cassation en mars.

L’exposition du Grand Palais
Pierre Rosenberg, conservateur général des peintures au Louvre et commissaire de l’exposition Poussin qui aura lieu au Grand Palais du 1er octobre au 2 janvier prochain, a trouvé le colloque de Washington "passionnant". "Je n’aurai pas à changer un seul mot dans la notice que j’avais écrite pour l’exposition Poussin avant le colloque, sur le tableau de Cleveland, que je considérais déjà comme le bon ! Nos discussions ont soulevé des problèmes très intéressants, comme par exemple l’origine des toiles utilisées, et si elles sont françaises ou italiennes. Toutes sortes d’hypothèses ont été émises" a-t-il indiqué.

À Washington, cependant, les conservateurs se refusent au moindre commentaire sur le colloque, tirant argument du fait que les chercheurs présents – dont ils refusent de dévoiler l’identité ou même le nombre – pourraient prendre "quelques années" pour écrire et publier leurs conclusions.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Le vrai-faux Poussin était le vrai

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque