Le tournis des galeries

La vie mouvementée des marchands d’art contemporain

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 16 janvier 1998 - 807 mots

L’actualité des galeries est particulièrement riche en ce début d’année 1998. Déménagements, fermetures, associations se succèdent à Paris, Bruxelles et Zurich.

PARIS - Jean Fournier, l’un des premiers galeristes à s’être installé à proximité du Centre Georges Pompidou dans les années soixante-dix, quitte son espace du 44 rue Quincampoix pour retourner sur la Rive gauche. Il se réinstallera, après leur réfection, dans les locaux du 22 rue du Bac qu’il avait occupés dès 1963. Âgé aujourd’hui de soixante-quinze ans, le marchand de Sam Francis, Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle déclare “vouloir continuer son métier de galeriste”,  mais qu’il ne s’agit en aucune manière “d’un retour triomphant rue du Bac”. Rue Quincampoix, les lieux vacants seront repris par la Galerie du jour Agnès b., qui quitte son ancienne boucherie. “Nous occupons les mêmes espaces d’exposition depuis treize ans, souligne Daniel Lesbaches, et nous avions envie de prendre un nouveau départ. De plus, l’espace de la rue du Jour ne nous permet pas de montrer des œuvres de grand format”. L’exposition inaugurale, fin février, réunira l’ensemble des artistes de la galerie. Une librairie continuera également à proposer ouvrages et revues.

Après la fermeture de la galerie Samia Saouma, partie à Berlin pour raisons personnelles, Claudine Papillon a repris les locaux du 16 rue des Coutures-Saint-Gervais, dans le troisième arrondissement. Elle s’était installée temporairement – pendant 23 mois – rue Saint-Gilles pour apurer le passif de la rue de Turenne, et dispose dorénavant d’une surface plus grande, permettant d’“être plus confortable pour un loyer acceptable en soi”. Dans cette dynamique, de nouveaux artistes ont rejoint la galerie, notamment Frédéric Lecomte ou Günter Brus. Rive droite, Éric Fabre vient de fermer la Galerie de Paris. “Porté par le désir partagé avec les artistes d’ouvrir quelque chose à Paris”, Didier Larnac, directeur de la galerie Arlogos de Nantes, reprend l’espace du 6 rue du Pont-de-Lodi. Fondée en 1978 en Loire-Atlantique, Arlogos faisait partie du cercle très fermé des galeries de province qui travaillent à un niveau international. L’hémorragie continue donc, après les installations récentes à Paris d’Art : Concept, venue de Nice, et d’Éric Dupont, de Toulouse. Didier Larnac s’est pourtant rapidement décidé l’été dernier à quitter Nantes, même s’il y garde un espace de stockage. Sa galerie et la Galerie de Paris défendaient quelques artistes en commun : Sarkis, Tony Grand – dont Arlogos est aujourd’hui la seule galerie – et Richard Baquié – dont elle gère la succession. Il espère en tout cas que son installation parisienne permettra “d’améliorer le développement des opérations internationales”. La galerie rouvrira le 12 février avec une exposition de Tony Brown.

Des artistes plus jeunes
Après deux ans et demi d’activités ralenties, Claire Burrus vient de fermer sa galerie de la rue de Lappe qui, à son grand regret, deviendra un bar. “Je ne sentais plus la nécessité de l’exposition”, déclare la galeriste, confortée dans son sentiment par le climat français. Aujourd’hui, elle entend faire ce métier différemment, “en passant moins de temps dans une boutique” mais en continuant à développer des projets avec la majorité des artistes de l’ancienne galerie, tels Daniel Walra­vens, au Japon, ou Rachel Whiteread en France.

Travaillant également sur projet, la Galerie Anton Weller, chez l’un, L’AUTRE, a cependant ouvert récemment un show-room 57 rue de Bretagne. Selon Isabelle Suret, sa directrice, cet espace flexible est destiné avant tout à “présenter et non exposer”. La galerie continue à organiser en parallèle des expositions dans des lieux insolites : bars, hôtels, magasins…

De nouvelles initiatives sont également lancées à l’étranger. Les galeristes parisiens Ghislaine Hussenot et Philippe Rizzo viennent de s’associer pour ouvrir à Bruxelles H & R Projects. La galerie s’installe dans 130 m2 au 20 du boulevard Barthé­lémy, dans un immeuble qui compte déjà une demi-douzaine de galeries, dont Albert Baronian et Windows, l’association de Jean Bernier (Athènes) et de Tanit (Munich). “Aujourd’hui, l’art contemporain fonctionne en Belgique, estime Philippe Rizzo. En outre, il n’est pas cher de s’installer, même à Bruxelles, et cela ne demande pas d’énormes investissements comme à Londres”. De plus, Bruxelles n’est qu’à 1h25 de Paris avec Thalys, les deux galeries restant bien entendu ouvertes en France. “Nous allons montrer des artistes plus jeunes et/ou que je ne peux pas montrer à Paris”, souligne Ghislaine Hussenot. H & R Projects a été inaugurée le 15 janvier par Gregory Crewdson. Au printemps devraient se succéder Karen Kilimnik, Jorge Pardo et Sarah Morris. À Zurich, la galerie Hauser & Wirth s’associe à Eva Presenhuber pour ouvrir Hauser & Wirth 2, toujours au 270 de la Limma­tstrasse. L’ancienne directrice de la galerie Walcheturm, qui est remplacée par Claudia Spinelli, y exposera “ses” artistes – Douglas Gordon, Fischli/Weiss... – et d’autres déjà représentés par Iwan Wirth, comme Paul McCarthy. Cette nouvelle galerie sera particulièrement ouverte aux jeunes créateurs, le Californien Jason Rhoades donnant le ton dès le 13 février.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°52 du 16 janvier 1998, avec le titre suivant : Le tournis des galeries

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