Enluminure

Le sens des couleurs

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 23 septembre 2005 - 633 mots

La galerie Les Enluminures présente un ensemble de feuilles médiévales et Renaissance.

PARIS - Rouge pour le sang, blanc pour la virginité, or pour la richesse..., les couleurs de l’enluminure ont chacune leur signification. Cette approche originale est celle choisie pour la nouvelle exposition de Sandra Hindman, directrice de la galerie Les Enluminures à Paris. « Haut en couleur » lève le voile sur la tradition visuelle du Moyen Âge et de la Renaissance. Organisées selon un code de couleurs, trente-cinq miniatures forment un parcours ludique et pédagogique qui n’est qu’un prétexte pour présenter de très belles œuvres relativement fraîches sur le marché. Ce parti pris n’est pas étranger à la vocation de Sandra Hindman, qui partage ses activités entre l’expertise et l’enseignement à l’université de Northwestern à Chicago.
L’exposition s’ouvre sur un clin d’œil, une Bataille entre Josué et Amalech, œuvre d’un artiste qui divise depuis longtemps les collectionneurs (5 700 euros). Le Faussaire espagnol a exercé jusqu’en 1930 son art de la copie de miniature, avant d’être démasqué. Aujourd’hui, les uns le fuient comme la peste, les autres en sont friands. Cette entrée en matière ne fait que mettre en valeur la qualité du reste de l’exposition. La Déposition de croix d’un peintre ombrien (v. 1510-1520) témoigne d’une grande maîtrise des expressions des personnages, des drapés et de la perspective (78 000 euros). Véritable petit tableau, cette œuvre marque la fin de l’art des miniaturistes, alors à son apogée, dont la lente agonie fut scellée avec l’avènement de l’imprimerie. Quelques exemples de la tradition allemande, semblables à des aquarelles, rappellent que le papier n’offre pas les mêmes qualités que le parchemin. Poreux, le papier ne peut accueillir des matériaux précieux comme la feuille d’or qui font toute la richesse de l’enluminure, à l’exemple de Melchisédech entre deux Lévites et Le Roi David en prière (v. 1280-1290) au lapis-lazuli intact (14 700 euros chacun), et surtout de la Naissance de saint Jean-Baptiste (v. 1523) de Vincent Raymond (45 000 euros), travaillée à l’or liquide. Constituée de plusieurs morceaux recollés entre eux, cette œuvre présente une excellente provenance – la première vente de miniatures de la collection du moine italien Abate Celotti au XIXe siècle. Elle témoigne par ailleurs d’une pratique de découpage sauvage des images des manuscrits, un sacrilège en vigueur depuis le XVIIe siècle, se pratiquant dans la plus grande impunité puisque dans la sphère privée.
Le marché des enluminures est, à l’image des œuvres, miniature. Sandra Hindman cite une douzaine de collectionneurs, dits importants dans le monde « car ils détiennent entre 20 et 30 pièces », les musées internationaux mais aussi les acheteurs occasionnels, victimes d’un coup de cœur. L’offre se situe exclusivement en Europe, en dépit d’une demande émanant des États-Unis et de l’Europe de l’Ouest. Outre deux sessions de ventes aux enchères par an à Londres, « il y a Sam Fogg à Londres, Jorn Gunther à Hambourg et moi », résume Sandra Hindman. « Personne n’aurait intérêt à ce que le nombre des marchands ou celui des clients double. Il n’y a pas suffisamment de pièces sur le marché pour le permettre », assure-t-elle. Aussi ce marché fait-il preuve d’une belle stabilité, vierge de toute manœuvre spéculative, même si , comme dans tous les domaines, les prix s’enflamment pour les pièces rares. Le Getty Museum, à Los Angeles, aurait ainsi déboursé 1 million de dollars pour les Heures de Turin-Milan par Jan Van Eyck… À œuvre exceptionnelle, prix exceptionnel.

HAUT EN COULEUR. ENLUMINURES DU MOYEN ÂGE ET DE LA RENAISSANCE

Jusqu’au 16 octobre, Les Enluminures, Le Louvre des Antiquaires, 2, place du Palais-Royal, 75001 Paris, tél. 01 42 60 15 58, tlj sauf lundi 11h-19h, www.lesenluminures.com. Conférence « Conversations sur la couleur » par Michel Pastoureau le samedi 24 septembre à 15 heures au Louvre des Antiquaires.

HAUT EN COULEUR

- Nom du commissaire : Sandra Hindman - Nombre d’œuvres : 35 enluminures - Fourchette de prix : 5 700-78 000 euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°221 du 23 septembre 2005, avec le titre suivant : Le sens des couleurs

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