Le petit point fait une petite pause

Sur le marché parisien, Bernard Blondeel se retire, les Chevalier font relâche

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 7 mars 2003 - 803 mots

À Paris, le petit monde des marchands de tapisseries anciennes est ébranlé : deux ans après l’antiquaire milanais Davide Halevim, Bernard Blondeel ferme boutique et vend sa collection, tandis que la galerie Chevalier veut souffler un peu.

PARIS - La galerie Chevalier ne sera pas à Maastricht cette année, ni à New York pour l’Armory Show. Le couple d’antiquaires spécialistes de la tapisserie et des tapis anciens déserte les deux foires internationales d’antiquités, alors qu’il était fidèle au poste depuis 1996 pour l’une et depuis 1989 pour l’autre. À New York, ils étaient même les seuls marchands européens de tapisseries. Dominique et Nicole Chevalier s’octroient “une année sabbatique d’expositions”. Les marchands ne mettent pas pour autant la clé sous la porte, mais s’accordent une pause en attendant que l’économie retrouve sa vigueur. “Tant qu’on vend, on existe encore”, ironise Nicole de Pazzis-Chevalier, qui a réalisé de bons mois de janvier et février 2003. De plus, leur activité annexe de création et fabrication à la main de tapis contemporains, commencée il y a un an et demi, a beaucoup de succès auprès des décorateurs. Malheureusement, “l’année 2002 a été catastrophique : on a fait la moitié de notre chiffre d’affaires de 2001. Alors, cette année, on évite les frais (d’expositions et de salons)”. Leur retour sur le devant de la scène est prévu pour 2004, avec une exposition en galerie sur le thème des textiles du monde entier et un stand à la Biennale des antiquaires de Paris, à laquelle la galerie Chevalier participe depuis 1980. “On ne sait pas si l’on pourra réintégrer Maastricht et la foire de New York. Après tout, des marchands sont déjà revenus après un an ou deux d’absence.”

Une vente Blondeel-Deroyan
Le marché de la tapisserie est secoué par un autre événement : la décision de Bernard Blondeel d’arrêter son commerce de tapisseries anciennes. Tout comme son confrère milanais Davide Halevim qui, deux ans plus tôt, a cédé sa collection chez Christie’s à Londres pour se lancer dans une nouvelle carrière d’acteur, Bernard Blondeel a choisi de retourner à Anvers, sa terre d’origine, afin de “se concentrer à ses travaux de recherche et à ses collections”. Il met ainsi fin à une collaboration de sept ans avec Armand Deroyan, son associé spécialiste des tapis modernes qui continue à développer son activité au 11, rue de Lille (dans le 7e arrondissement) autour des tapis du XXe siècle. C’est à Christie’s que l’antiquaire a confié la dispersion d’une quarantaine de superbes pièces anciennes. La vente aura lieu le 2 avril prochain à Londres, la meilleure place pour vendre de “vieilles” tentures (1). L’ensemble, qui est estimé plus de deux millions d’euros, court  de la période gothique avec de rares spécimens comme les “Mille fleurs”, jusqu’aux scènes galantes du XVIIIe siècle en passant par des scènes de cour de la Renaissance. Provenant sans doute des collections du roi Guillaume Ier de Hollande et datée de la seconde moitié du XVIe siècle, une extraordinaire tapisserie flamande remarquable par les larges feuilles et fleurs décoratives (240 x 462 cm), créant un dessin presque abstrait, a été estimée 300 000 à 500 000 euros. Un enfant au carrefour de la dignité, du pouvoir et de la beauté (405 x 560 cm), une importante pièce allégorique franco-flamande de la série “Les Âges de l’homme”, réalisée à Tournai (Pays-Bas méridionaux) dans la première moitié du XVIe siècle, provenant de la célèbre collection Jacob Hecht à Hambourg, est présentée pour 200 000 à 300 000 euros. Saul offrant une armure au jeune David (347 x 607 cm), datée de 1525-1530 et provenant des ateliers de Bruxelles, représente un épisode de l’histoire de David d’après un dessin de Bernard van Orley, peintre de la cour de Marguerite d’Autriche aux Pays-Bas. Assis sur son trône, le roi Saul offre au jeune David une armure pour le protéger avant son combat contre Goliath, mais David refuse et choisit de se battre sans armure. D’une grande finesse de tissage, cette tapisserie qui marie le rouge, le jaune d’or et le bleu franc est dans un excellent état de conservation. Son estimation est de 200 000 à 300 000 euros. Une autre édition de la série consacrée à l’histoire de David, d’après ce même dessin, est conservée au Museo Diocesano à Burgos, en Espagne. Selon l’expert Amjad Rauf, “les prix proposés sont ceux du marché, solides mais pas excessifs compte tenu de la haute qualité des pièces”. Ces séduisantes tentures aux coloris étonnants devront donc attester de la santé de ce secteur.

(1) Une autre partie des collections Blondeel-Deroyan, des tapisseries françaises principalement, sera dispersée à New York chez Christie’s en automne 2003, dans une vente de mobilier classique français.

TAPISSERIES ET TAPIS, COLLECTION BERNARD BLONDEEL ET ARMAND DEROYAN

Vente à Londres le 2 avril, Christie’s, tél. 01 40 76 85 85, www.christies.com.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°166 du 7 mars 2003, avec le titre suivant : Le petit point fait une petite pause

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