Le mobilier Ming au plus haut

Vente record chez Christie’s New York

Le Journal des Arts

Le 1 novembre 1996 - 961 mots

Le succès remporté par la vente du Museum of Classical Furniture, organisée par Christie’s New York le 19 septembre, est sans précédent depuis dix ans. Les objets proposés ont tous trouvé preneur, et la vente a produit un total de 11,2 millions de dollars (58 millions de francs), de trois millions supérieur aux estimations hautes. La plupart des collections constituées au cours de la dernière décennie, y compris celle du Museum of Classical Furniture, ayant bénéficié de l’assistance de Grace Wu Bruce, cette spécialiste était la mieux placée pour commenter cette vente exceptionnelle. Grace Wu Bruce, l’un des plus importants marchands de meubles classiques chinois à Hong Kong, a notamment publié en 1995 Classical Chinese Furniture chez Oxford University Press.

Depuis une dizaine d’années, l’intérêt pour le mobilier Ming n’a cessé de croître, et la vente organisée par Christie’s prouve que ce domaine attire désormais le grand public. Connu des collectionneurs européens et américains depuis les années quarante et cinquante, via les diplomates et les spécialistes, le mobilier Ming s’est raréfié avec la fermeture de la Chine au monde. Mais depuis que le pays a rouvert ses portes, l’étude et la connaissance du sujet se sont considérablement développées grâce à l’arrivée de nouveaux objets sur le marché, dont Hong Kong est devenu la plaque tournante. Désormais aussi recherché à Taiwan et Singapour qu’en Occident, le mobilier Ming séduit les collectionneurs par la pureté de ses lignes, ses proportions architecturales et sa maîtrise artisanale.

Il est maintenant possible de dater ce mobilier chinois avec une précision raisonnable, et les méthodes de fabrication comme les matériaux utilisés sont nettement mieux connus. L’âge d’or du mobilier Ming a commencé en 1567, lorsqu’un bois couleur de miel, le huanghuali, a été importé pour la première fois en Chine. Après la fin de la dynastie Ming (1644), les bois de couleurs sombres sont devenus à la mode, le style s’est fait plus décoratif et plus maniéré. La collection du Museum of Classical Furniture, constituée au cours des dix dernières années, ne comporte que des pièces de la période Ming, dont beaucoup sont les plus beaux exemples connus dans ce domaine. C’était la première fois qu’une collection de cette importance, tant par le nombre que par la qualité des pièces, était proposée sur le marché.

Grand écran en marbre, huanghuali et tielimu, XVIIe siècle (estimé entre 350 000 et 450 000 dollars), adjugé 1 102 500 dollars (5,73 millions de francs). Cet objet établit un nouveau record pour une pièce de mobilier chinois. De dimensions imposantes (105 x 181x 105 cm), les écrans de ce type formaient le principal élément du décor dans les pièces d’apparat Ming. La finesse de la sculpture des dragons, associée à son extraordinaire intérêt historique, expliquent les enchères acharnées pour l’acquérir. C’est finalement Bruce Dayton, l’un des administrateurs du Minneapolis Institute of Art qui l’a emporté sur les marchands taïwanais et les autres collectionneurs.

Table à peindre en huanghuali, fin du XVIe-début du XVIIe siècle (estimée entre 50 000 et 70 000 dollars), adjugée 173 000 dollars (900 000 francs). Une fois encore, l’un des modèles les plus classiques et les plus recherchés en matière de mobilier chinois. Appelées pingtouan, ces tables se caractérisent par des lignes simples et des pieds légèrement évasés. Celle-ci est dans un état exceptionnel, avec un beau grain de bois et un coloris de miel rouge foncé. Mes efforts pour l’acquérir à l’intention d’un collectionneur particulier ont été contrariés par le Metropolitan Museum of Art de New York, auquel elle a été adjugée. La table sera installée dans l’une de ses nouvelles galeries chinoises, qui seront ouvertes au public l’année prochaine.

Support à encens en huanghuali (estimé entre 40 000 et 60 000 dollars), adjugé 178 500 dollars (928 000 francs). De tous les meubles d’époque Ming, c’est peut-être le plus recherché par les collectionneurs avertis. Ces objets aussi beaux que rares ont perdu leur destination première : ils servent désormais de présentoirs pour des sculptures ou des porcelaines orientales. Cette pièce, comme neuve, a été acquise pour le compte d’un collectionneur asiatique.

Ensemble de quatre fauteuils en fer à cheval en huanghuali, XVIIe siècle (estimé entre 80 000 et 100 000 dollars), adjugé 167 500 dollars (871 000 francs). Ce sont peut-être les plus beaux fauteuils existants de ce type. La courbure accentuée de chaque bras crée un mouvement fluide et forme un arc outrepassé pour se rattacher au dossier. Les bras de deux des fauteuils ont fait l’objet de réparations importantes, ce qui explique l’estimation assez basse. L’ensemble a été acheté par un collectionneur américain bien connu : l’une des paires ira à Los Angeles, l’autre à New York.

Paire de cabinets diminués en huanghuali, fin du XVIe-début du XVIIe siècle (estimée entre 250 000 et 350 000 dollars), adjugée 376 500 dollars (1,95 million de francs). Voici l’un des exemples les plus raffinés et les plus ingénieux que l’on puisse rencontrer dans le mobilier classique chinois. Les quatre montants partent en retrait des angles du sommet et obliquent vers l’extérieur en pente si douce qu’elle en est presque imperceptible. Ce simple artifice de conception confère au meuble toute son élégance. Les deux cabinets, dans un état superbe, ont été acquis par un collectionneur privé des États-Unis.

Bassin de toilette et porte-serviettes en huanghuali, fin du XVIe siècle-début du XVIIe siècle (estimé entre 30 000 et 40 000 dollars), adjugé 123 500 dollars (642 000 francs). Cette console, qui comporte une cuvette, un porte-savon et un porte-serviettes, était un objet utilitaire, mais ses proportions délicates et ses ornements gravés en font une véritable sculpture, très appréciée des collectionneurs. Du fait des contacts répétés avec l’eau, très peu d’exemplaires ont survécu. J’ai pu finalement l’acquérir pour le compte d’un collectionneur chinois, après des enchères très disputées.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°30 du 1 novembre 1996, avec le titre suivant : Le mobilier Ming au plus haut

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